RFI: L’école en exil de Transnistrie
Reportage réalisé en collaboration avec Damien Dubuc, diffusé sur Radio France Internationale, le 23/10/2013Le nom de Transnistrie évoque un imaginaire un peu fantasmagorique : une petite bande de terre coincée entre la Moldavie et l'Ukraine, dotée d'un Etat qui n'est reconnu par personne, ou presque, à travers le monde. La région séparatiste fait aujourd'hui parler d'elle en essayant de contrarier les ambitions européennes de ses voisins. Mais au-delà de la géopolitique, la vie des habitants y est tout à fait particulière. C'est une région russophone, et le gouvernement tente d'y réduire l'influence de la langue roumaine, langue officielle de Moldavie. Dans cet objectif, ils ont fermé de nombreuses écoles en langue roumaine. L'une d'entre, dans le canton de Dubasari, continue à exister, mais en exil...
Une musique disco résonne dans la cour d'école, des groupes d'élèves s'avancent, bouquets de fleurs en main, vers leurs enseignants. Ce 4 octobre, la fête des professeurs est l'une des rares occasions de réjouissance d'une école en exil. Ces quelques 170 élèves et la vingtaine d'enseignants n'habitent pas dans le village moldave de Doroțcaia, où se situe l'école, mais dans la petite ville de Grigoriopol, à une vingtaine de kilomètres, sur le territoire de la Transnistrie. Entre les deux localités : le passage obligatoire d'un poste frontière des douanes transnistriennes.
L'école en langue roumaine de Grigoriopol a fermé en 2002 sur décision du gouvernement de la région séparatiste. La seule solution que les autorités moldaves ont trouvé est de financer 4 bus, qui font le trajet chaque jour jusqu'à Doroțcaia. Eleonora Cercavschi est la directrice de l'école : pour elle, la raison de l'exil est simple.
Directrice: Vous savez que cette région, la Transnistrie, est occupée par l'armée russe. Ils ne veulent pas permettre que l'on étudie dans la langue roumaine. Il ne reste que 8 écoles en langue roumaine sur toute le territoire de la Transnistrie ! C'est une dictature dans cette région.
Pour les bus, le passage au poste de contrôle se fait sans trop de difficultés. Mais la routine est fatigante pour les élèves.
Vasyl a 16 ans, il souhaite devenir chirurgien. Il aime étudier, mais comme les autres élèves venus de Grigoriopol, il ne va à l'école que l'après-midi. Le matin, les locaux sont réservés aux enfants qui vivent du côté moldave.
Il vit le trajet comme une fatalité.
Vasyl: C'est un long chemin, en hiver la route est dangereuse. Et puis vous savez, on rentre tard et on ne peut pas faire quoi que ce soit après l'école.
Viorica est professeure d'anglais à l'école, elle assure que les enfants, d'un côté ou de l'autre, n'établissent pas de barrières entre eux. Mais pour ce qui est des adultes, c'est autre chose.
Viorica: Beaucoup de parents vivant en Transnistrie souhaitent que leurs enfants étudient ici. Mais certains rencontrent des problèmes créés par le gouvernement là-bas. Et de ce côté-ci, les parents moldaves de Doroțcaia n'aiment pas que nous venions ici pour étudier. C'est difficile pour eux de comprendre la situation. Il y a de nouveaux problèmes chaque jour
Les autorités transnistriennes, très tournées vers la Russie, ont mis en garde la Moldavie contre sa politique d'intégration européenne. De nouvelles tensions pourraient surgir prochainement, et la frontière sera le premier lieu de friction. Pour les élèves de Doroțcaia, il n'est pas sûr que la voie européenne de la Moldavie leur facilite le chemin de l'école.