RSE: Ukraine, la fin du gaz de schiste?

Brève publiée sur le site de Regard sur l'Est, le 20/12/2014La révolution ukrainienne n’aura pas lieu. En tout cas pas celle du gaz de schiste. Avec l’annonce du possible retrait de la compagnie pétrolière américaine Chevron d’un accord de partage de production du gisement géant d’Oleska, dans l’ouest de l’Ukraine, c’est un coup dur qui est porté aux ambitions énergétiques du pays. Le 19 décembre 2014, la rupture du contrat n’était pas encore officielle. Mais Chevron serait «en train de planifier cette décision», tel que l’a confirmé, le 15 décembre, Valeriy Chaliy, vice-chef de l’administration présidentielle de Petro Porochenko.Le géant américain avait signé le contrat avec le gouvernement de Victor Ianoukovitch le 5 novembre 2013, quelques semaines à peine avant les premières protestations citoyennes à Kiev. La signature faisait suite à la conclusion, le 24 janvier 2013, d’un accord similaire entre l’exécutif ukrainien et la compagnie pétrolière anglo-hollandaise Royal Dutch Shell, concernant l’exploration et l’exploitation du gisement de gaz de schiste de Iouzivska, à l’est du pays.

UKRAINE ECOLOGY-GAS-PROTESTÀ l’époque de la signature des accords, il s’agissait des plus importants investissements étrangers prévus en Ukraine. Les compagnies évoquaient des perspectives de développement considérables sur le long terme, avec le soutien du gouvernement. Les ministres, plus enthousiastes que de raison, estimaient les gains issus des implantations de Shell et Chevron à plus de 10 milliards de dollars. Dès 2025, la production de gaz de schiste devait parvenir à satisfaire environ un tiers des besoins nationaux en gaz, soit une production d’environ 20 milliards de m³, et réduire ainsi drastiquement la dépendance vis-à-vis des importations de gaz russe. Les plus optimistes, assurant que des efforts en matière d’efficacité énergétique réduiraient la consommation gazière de moitié, voyaient même l’Ukraine exportatrice de gaz d’ici une vingtaine d’années.Plus d’un an après la signature de l’accord de production, Chevron n’a pas commencé les travaux d’exploration. Ce qui indiquerait que le retrait de la compagnie est plus une question de régulations que de géologie, comme l’estime Allen Good, analyste à Morningstar Inc. à Chicago, cité par Bloomberg. Le gouvernement d’Arseniy Iatseniouk, malgré ses plaidoiries répétées en faveur des réformes, est fortement critiqué pour les faibles améliorations apportées à l’environnement des affaires, notamment en termes de prévisibilité législative, de respect de l’État de droit et de lutte anti-corruption. En l’occurrence, le plan gouvernemental visant à augmenter l’imposition sur les compagnies énergétiques opérant en Ukraine serait un des éléments d’explication. Au 19 décembre, la compagnie Chevron n’avait pas émis de commentaires.Quoi qu’il en soit, les perspectives de développement du gaz de schiste en Ukraine, déjà fortement controversées en raison d’inquiétudes écologiques, semblent compromises. Si Shell n’a pas rompu son accord de partage d’exploitation, elle a annoncé, en juin 2014, la suspension de ses activités dans l’est de l’Ukraine, officiellement en raison des opérations militaires qui s’intensifiaient dans le Donbass. Selon Igor Alexeev, expert pour le site spécialisé oilprice.com, il s’agissait là d’une échappée déguisée, qui dénote un potentiel de production moindre qu’espéré par les premières estimations. Pour un consortium formé d’Exxon Mobil Corp. et d’Eni SpA, le projet d’exploration du gisement offshore de Skifska, dans la mer Noire, a tourné court lorsque la Russie s’est emparée de la péninsule de Crimée, en mars 2014.Reste à savoir quel impact la fin prématurée du gaz de schiste peut avoir sur la politique énergétique du gouvernement ukrainien. D’aucun murmurent que l’abandon de ces projets d’exploitation était au cœur des négociations gazières menées fin octobre 2014 entre l’Ukraine et la Russie, sous l'égide de l’Union européenne, et visant à éviter une nouvelle «guerre du gaz» pendant l’hiver 2014-15.

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