La Tribune de Genève: Debaltseve, la bataille qui peut anéantir la paix

Article publié dans La Tribune de Genève, le 17/02/2015Centre de Debaltseve, le 04/02/2015. «Porochenko et ses généraux vous ont abandonnés. Ne restez pas ici, à mourir pour eux.» Ce mardi 17 février, les milliers de soldats ukrainiens pilonnés par l’artillerie des forces séparatistes prorusses et russes à Debaltseve ont aussi été bombardés de SMS les enjoignant à se rendre.Selon la journaliste ukrainienne Anastasia Bereza, présente non loin de la zone des combats, la réception des messages provoque «plutôt des rires nerveux parmi les gars» qu’un sentiment de défaite. Elle s’ajoute néanmoins à la pression nerveuse d’un encerclement que le haut commandement ukrainien a reconnu ce mardi, moins de trois jours après l’entrée en vigueur d’un nouveau cessez-le-feu.«Une partie de la ville a été prise par les troupes de bandits», a révélé un communiqué du Ministère de la défense. Mais l’Exécutif ukrainien ne manque pas une occasion de promettre une défense acharnée de la ville stratégique pour le contrôle de l’est du pays, et d’appeler au respect de l’accord de Minsk du 12 février. «Les espoirs du monde pour la paix sont anéantis» par cette offensive séparatiste, déplorait hier Valeriy Chaliy, chef-adjoint de l’administration présidentielle à Kiev.La trêve reste lettre morteConséquence concrète de la bataille de Debaltseve, le retrait de l’armement lourd de la zone de guerre, supposé débuter deux jours après l’entrée en vigueur de la trêve, est resté lettre morte. Les deux camps s’en rejettent la faute, les Ukrainiens estimant que le cessez-le-feu doit d’abord être respecté avant d’entamer un désarmement. Un chef de guerre séparatiste, Edouard Basourin, assurant qu’il «prendrait l’initiative» de retirer ses canons de la ligne de front. Sans préciser quand.L’explosion de violence à Debaltseve ne surprend pas. Plus d’une semaine avant le sommet de Minsk, les forces prorusses et russes avaient poussé leur avantage sur les villages alentour, «dans le but d’encercler les troupes ukrainiennes et de régler la question par la force plutôt que par des négociations», commente l’expert Constantin Mashovets.La question qui se pose désormais est celle de la stratégie adoptée par les défenseurs ukrainiens. «Il y a quatre jours, nous aurions pu être évacués sans trop de pertes», affirme au téléphone un officier de la 128e Brigade, qui se fait appeler «Hussard». «Cela aurait nécessité une décision claire de la part de l’état-major, et l’aménagement d’un couloir sécurisé. Mais là, nous risquons la répétition d’Ilovaisk, en août, quand nos troupes avaient tenté de faire une sortie et s’étaient fait dépecer.»Reproche«Hussard» reproche au haut commandement ukrainien d’avoir reconnu l’encerclement de Debaltseve «après cinq jours» et de minimiser l’avancée ennemie. La mairie serait prise, «80% des combats» consisteraient en des affrontements rapprochés à l’arme légère. A Kiev, personne ne parle néanmoins d’évacuation.«Il n’y aura plus de flotte de la mer Noire ou de base de Belbek», assénait le président Petro Porochenko au philosophe français Bernard Henri-Lévy, lors d’une conversation à la veille du sommet de Minsk. Le chef de l’Etat faisait alors référence aux positions militaires ukrainiennes en Crimée, qui étaient tombées, en mars, sans tirer un coup de feu. «Le seul avantage de la guerre, c’est que, jour après jour, on apprend à la faire.» Reste à voir si le chef des armées ukrainiennes saura perdre ses batailles, et dans quelles conditions. (24 heures)

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