RFI: Vers la disparition irrémédiable de l'héritage soviétique en Ukraine?

Intervention dans l'émission "Bonjour l'Europe", le 18/04/2015Hier, 17 avril, les réseaux sociaux ukrainiens étaient couverts de photos de la chute de la statue de Lénine de la ville de Kramatorsk, dans l’est de l’Ukraine, à 80 kilomètres de la ligne de front avec les territoires séparatistes. Toute la semaine, ce sont plusieurs monuments qui sont tombés. Le phénomène s’accélère, après que le Parlement a voté une série de lois mémorielles le 9 avril. 
Assiste-t-on à la fin irrémédiable de l’héritage soviétique en Ukraine? Oui, je pense que l’on peut dire sans se tromper qu’il faut se presser si l’on veut voir les dernières statues de Lénine en Ukraine, car elles tombent à vitesse Grand V! Et il n’y a pas qu’elles. Par exemple, la municipalité de Kiev se donne jusqu’au 24 août, l’anniversaire de l’indépendance de l’Ukraine, pour déboulonner tous les monuments soviétiques, modifier tous les noms de rues encore liés à l’héritage communiste, et plus généralement faire disparaître toutes les traces de l’époque soviétique.Ce processus n’est pas seulement conduit par les pouvoirs publics, mais aussi par des groupes de militants plus ou moins nationalistes, dans le cadre des récentes lois mémorielles que vous avez mentionné. En particulier, une de ces lois dénonce les régimes totalitaires soviétiques et nazis comme criminels, et une autre interdit toute exhibition de symboles communistes. En plus des statues et des noms de rues, c’est l’utilisation des drapeaux, des uniformes, de l’hymne soviétique qui sont maintenant passibles de peines de prison.A l’approche des commémorations des 70 ans de la capitulation de l’Allemagne nazie, on comprend que ces lois peuvent irriter beaucoup de personnes, notamment des vétérans. Pourquoi maintenant?Selon les promoteurs des lois, cela fait depuis 1991 et l’indépendance du pays qu’il aurait fallu le faire pour faciliter la transition démocratique. Un an après le changement de régime, il y a aujourd’hui une majorité historique dans la classe politique pour pousser ces changements.Evidemment, la controverse est vive. Les parlementaires veulent interdire aux vétérans de l’Armée rouge d’arborer des drapeaux soviétiques le 9 mai prochain. Mais en même temps, une troisième loi qu’ils ont voté accorde un statut spécial aux combattants pour l’indépendance de l’Ukraine au cours du 20ème siècle. Se retrouvent donc glorifiés, sans aucune ambiguité, des résistants nationalistes des années 1940, dont certains sont accusés d’avoir pris part à des massacres de Juifs et de Polonais. Le parti pris idéologique est évident, et on ne voit pas comment ces lois peuvent aider à construire une narration historique commune dans un pays en proie à une guerre féroce.Oui, les officiels russes mettent d’ailleurs en avant que ces lois peuvent nuire au processus de paix dans le DonbassOui, les réactions russes ne sont pas fait attendre, Vladimir Poutine lui-même accusant les Ukrainiens d’utiliser des “méthodes totalitaires contre l’histoire”. On voit la dimension politique d’une telle déclaration dans le contexte de la guerre d’information qui fait rage entre Russie et Ukraine. Mais il est vrai que dans l’est de l’Ukraine, même au-delà des territoires séparatistes, l’héritage soviétique a toujours été mis en avant.Dans l’immédiat, on peut d’ailleurs redouter des remous violents. Un groupe pro-russe dans la grande ville de Kharkiv a promis d’exécuter 5 civils ukrainiens pour chaque monument communiste qui serait détruit. Et que cette menace soit mise à exécution ou non, l’Ukraine risque de vivre des prochaines semaines très mouvementées.
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