RFI: La Suspecte identification des armes de Maïdan

Intervention dans la séquence "Bonjour l'Europe", le 14/02/2016C’était il y a presque deux ans. La Révolution ukrainienne s’achevait dans le sang. Des dizaines de protestataires et policiers avaient péri dans des combats de rues, victimes de snipers expérimentés. Personne n’a été jusqu’à présent inculpé, mais le Procureur général d’Ukraine a annoncé il y a peu avoir identifié les armes à feu utilisées sur le Maïdan, ce qui pourrait accélérer l’enquête. Mais cette découverte est très controversée. 06171900_Est-ce que ce sont bien les armes du Maïdan que les enquêteurs ont retrouvé? Probablement oui. 24 armes à feu, kalashnikofs et fusil d’élite, avaient disparu des stocks de la brigade anti-émeute Berkut. En août dernier, les enquêteurs ont retrouvé un stock de 23 armes dans un espace boisé au sud de Kiev. Et comme l’a annoncé le Procureur Général, Viktor Shokin, le 5 février, 12 ont été clairement identifiées comme les armes qui ont tiré les balles retrouvées dans les corps des victimes.Ces victimes, rappelons-le, ont une grande importance en Ukraine, deux ans après la Révolution. La plupart d’entre elles sont des protestataires, considérés comme des héros dans la lutte contre l’autoritaire Viktor Ianoukovitch. Leurs familles, et la société civile en général, exige depuis deux ans que la lumière soit faite sur la tragédie. D’autant que les circonstances du principal massacre, sur la rue Institutska dans le centre de Kiev, sont véritablement obscures. Quelques policiers avaient été touchés par des snipers, le 20 février 2014. Certains protestataires auraient été visés dans le dos. Qui a tiré, sur qui, et sur quel ordre…? Ce sont des questions qui attisent toutes sortes de théories du complot, impliquant services secrets russes ou américains, selon les variantes.Il est donc très important que l’enquête produise des résultats. Mais pourtant, l’annonce du Procureur général est très controversée…? Oui, tout d’abord pour une raison simple: le Procureur Général Viktor Shokin n’a aucune crédibilité en Ukraine, en particulier sur les enquêtes du Maïdan. Cela fait deux ans, mais personne n’a été inculpé, comme vous le disiez. Seuls deux voyous avaient été arrêtés, puis relâchés en 2015. Le Procureur explique que les responsables des massacres se sont réfugiés en Russie, en dehors de sa jurisdiction, alors que certaines personnes, complices, sont clairement identifiées mais pas poursuivies par la justice. Certains des officiers des forces spéciales, par exemple, n’ont jamais été inquiétés car leurs compétences étaient trop nécessaires sur le front du Donbass…7 cas sont aujourd’hui ouverts contre certains individus, et le Procureur général vient d’ouvrir des poursuites contre une vingtaine d’autres pour acte de terrorisme. Mais cela ne suffit pas à apaiser l’opinion publique. On accuse le Procureur d’agir imprudemment en divulguant ces armes avant la fin définitive de l’expertise, et de tirer des conclusions hâtives. Plus généralement, cela rejoint les critiques sur la personne du Procureur, accusé de ne pas pouvoir, ou de ne pas vouloir, poursuivre les représentants de l’ancien régime et d’entretenir des schémas de corruption importants.12193367_1048608681817146_4026453666312870874_nLes armes ont été retrouvées en août 2015, comme vous le disiez. Alors pourquoi cette annonce maintenant? Cela fait aussi partie des critiques dirigées contre le Procureur, qui jouerait d’une part sa survie politique en tentant un coup d’éclat de communication à l’approche des commémorations du massacre de 2014. Mais la plupart des accusations touchent directement le Président Petro Porochenko, qui a nommé et protège le Procureur Viktor Shokin depuis des mois. Petro Porochenko est tenu de plus en plus responsable de l’absence de réformes, et il aurait tenté de faire oublier une grave crise politique dans le gouvernement et le Parlement avec cet effet d’annonce. Que ce soit vrai ou pas, il semble que l’opinion publique a déjà tiré son verdict, et s’indigne que l’on joue comme cela avec la mémoire des héros de la Révolution.

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