TDG: Les mines du Donbass, piège mortel

Reportage publié dans La Tribune de Genève, le 15/02/2016

La Fondation suisse de déminage apprend aux enfants le danger des mines. Reportage.

Screen Shot 2016-02-16 at 07.37.07Avec un masque terrifiant sur la tête, l’acteur qui interprète La Mort explique aux enfants qu’elle est venue déposer des mines et des débris d’artillerie autour de la classe. Les élèves n’ont pas le temps d’être effrayés qu’un autre acteur, avec un masque de loup sur la tête, les distrait et les encourage à jouer avec lui dans une forêt imaginaire. Les enfants sont hilares. Mais quand il s’approche d’une mine antipersonnelle en plastique, les élèves hurlent pour l’empêcher de s’en approcher. Il est trop tard. Un ballon placé derrière la mine explose. L’acteur prétend avoir perdu un bras. Il est évacué vers un hôpital imaginaire. Sur le visage des enfants, le choc.«C’est exactement l’effet que l’on recherche, c’est comme cela qu’ils peuvent comprendre!»explique Olena Krivova, coordinatrice régionale pour la Fondation suisse de déminage, qui organise ce séminaire de prévention dans l’école de Rubtsy, dans le nord de l’oblast (région) de Donetsk. «Nous avons des dizaines de cas où des enfants, mais aussi des adultes, ne comprennent pas le danger des mines et débris d’artillerie qu’ils trouvent dans les jardins ou dans les forêts.»Enfouir des mines, par peurDans le Donbass, meurtri par vingt et un mois d’une guerre hybride qui a fait plus de 9000 morts selon l’ONU, un cas marque les esprits. Celui d’enfants qui trouvent une mine dans les bois et la ramènent chez eux pour la montrer à leur famille. La mine a explosé une fois dans une maison, provoquant un carnage. De nombreuses autres histoires circulent et n’affectent pas que la zone de la ligne de front.«Il n’y a jamais eu de combats à proprement parler à Rubtsy», explique Lilia Katchenka, la directrice d’école, dans son bureau aux murs délavés. «Mais les militaires ont beaucoup circulé dans la région et il y avait des postes de contrôle sur nos routes. Donc, il y a des mines dans les parages. Ce genre de séminaire est essentiel pour nous et nos enfants.»La contamination des sols avec des mines et autres objets explosifs est un fléau corollaire de nombreux conflits. «Dans le Donbass, on découvre néanmoins quelques spécificités locales», explique un militaire de carrière, en poste à Kramatorsk, sous couvert d’anonymat. «Les soldats aux barrages routiers, des deux côtés, sont souvent inexpérimentés et morts de peur. Alors, ils s’entourent de mines enterrées autour de leurs positions. Et puis, ils sont relevés et partent sans communiquer la carte de leur réseau de mines à leurs remplaçants.» Le 10 février, quatre personnes sont mortes dans l’explosion d’un bus sur une mine à la sortie de Donetsk, lequel dépassait une voiture en bordure d’un chemin de terre.Un an après les Accords de Minsk, qui ont marqué un apaisement relatif des combats et une stabilisation du front, «les militaires vivent encore en état de guerre. Donc, même s’ils savent où sont enterrées des mines, ils ne transfèrent pas l’information aux services d’urgence», confirme Olena Krivova. Pour l’heure, seul un département du Ministère ukrainien des situations d’urgence est habilité à procéder au déminage de zones signalées. «Si personne n’appelle, personne ne vient», déplore Olena Krivova. Côté séparatiste, aucune information ne filtre sur une quelconque politique de déminage.Expliquer la mortDe même que Handicap International ou le Groupe danois pour le déminage et autres ONG, la Fondation suisse de déminage est réduite à un rôle de prévention dans les territoires sous contrôle ukrainien. «La multiplicité des spécialistes internationaux du déminage entraîne quelques cas de concurrence assez stérile, sur «qui doit faire quoi» pour satisfaire ses donateurs», déplore Olena Krivova.La fondation axe donc ses efforts sur la prévention auprès des enfants. «Nous avons plusieurs formats de présentations», décrit Ihor Mykhailov, l’acteur incarnant La Mort pendant la présentation. «Nous essayons de rendre les sessions aussi interactives que possible. Malgré la guerre, de nombreux enfants vivent dans les films de Hollywood, où il est toujours possible de s’en tirer. Ils sont tellement jeunes. Mais il faut leur expliquer ce qu’est la mort.»

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