RFI: Une pizza pour un retour à la vie civile

Reportage diffusé dans l'émission Accents d'Europe, le 24/02/2016En Ukraine, la reconversion civile n’est pas toujours facile pour les quelques 150.000 hommes qui sont déjà allés combattre dans le Donbass, au sein des forces armées. A Kiev, un petit groupe de vétérans s’est pris en main, et a ouvert la «Veterano Pizzeria», autant un restaurant qu’un lieu de resocialisation. 12289468_951918191567772_9067803587374084668_nAu mur du restaurant, un poster montre une ampoule qui s’éclaire, comme une idée lumineuse. Mais au lieu de projeter des rayons de lumière, ce sont des tranches de pizza. Veterano Pizza, c’est plus qu’un simple restaurant.Leonid: Je voulais ouvrir une pizzéria depuis longtemps. Avant la guerre, je travaillais comme pizzaiolo. Ici, je suis mon propre patron. J’ai beaucoup travaillé à la réalisation du projet, ça a pris du temps…Leonid Ostaltsev est le co-fondateur de Veterano Pizza, rentré du front de l’est quelques mois plus tôt. Il s’était porté volontaire, et avait servi dans une unité spéciale de forces d’intervention. Blessé, il passe trois mois à l’hôpital. Quand il est démobilisé, il se lance dans quelques projets sociaux à Kiev, tout en travaillant à l’ouverture de son restaurant.Leonid: Quand j’ai terminé mon étude de projet, je me suis dit que je ne voulais pas  travailler que pour de l’argent. Ce serait trop bête. J’ai voulu poursuivre mes activités sociales, en les combinant au business. Pourquoi ne pas en faire de l’argent qui profiterait à tout le monde? Et pourquoi mes employés de pizzéria ne seraient pas des vétérans de guerre? Il leur faut un boulot. Et les réinsérer. Je sais que beaucoup d’entre eux voient un psychologue une fois par semaine mais je ne vois pas comment ça peut les aider concrètement. Ici, ils ont une chance de faire des choses, avec des gens qui les comprennent… Donc je suis parti sur ce modèle.Leonid réussit à louer le local d’un restaurant dans le centre de Kiev, qui ne marchait pas bien. Il en paie la moitié du loyer, un prix qui ne se refuse pas. Quelques changements et réparations, et il se lance début décembre 2015.Leonid: J’ai écrit un post sur Facebook pour annoncer l’ouverture, et ça s’est enflammé. Au début, on ne travaillait ici que moi et mon ami Raphaël, lui aussi vétéran. Mais ça a marché bien plus vite que prévu. Après 2 mois et demi, nous avons équilibré notre budget.Aujourd’hui, ce sont déjà 18 employés, dont 8 vétérans, qui travaillent à Veterano Pizza. Avec son tee-shirt noir à tête de mort et son large tatouage qui lui couvre la moitié du bras, Leonid cache bien son jeu. Il est malgré tout dédié à la réussite de son entreprise à 100%. Tout est propre, les pizzas sont appréciées des clients. Le jeune entrepreneur insiste pour que les journalistes ne dérangent pas la clientèle avec des questions.De la réussite de la pizzéria dépend aussi la continuité de son œuvre sociale. Veterano Pizza livre des pizzas à un hôpital militaire de Kiev, ainsi qu’à un centre d’accueil dans la gare ferroviaire. Et si un client se présente comme vétéran, alors la pizza est gratuite.Leonid: Aucun justificatif n’est nécessaire. S’il dit qu’il est vétéran, on le croit. Une dimension sociale très importante pour Leonid, qui s’inquiète de voir beaucoup de vétérans rendus à la vie civile, sans soutien financier, psychologique ou social.. Et pour être sûr que sa générosité ne se transforme pas en un gouffre financier, là aussi, il a un plan.Leonid: Quelqu’un m’a suggéré de donner des pizzas aux vétérans. J’ai lancé alors  une campagne pour récolter de l’argent pour assurer les dons. Pour l’heure, nous avons reçu 150.000 hryvnias. On en a déjà dépensé 120.000 en pizzas gratuites. Concrètement, ça veut dire 1500 pizzas. C’est comme ça qu’on travaille.Autant dire que Leonid est satisfait de ce qu’il a réussi à construire pour l’instant. Il peut ainsi assurer un revenu stable pour lui et sa famille, et se rendre utile pour ses frères d’armes. Mais s’il a une occasion de repartir sur le front, il n’hésitera pas une seconde.Leonid: Tous les vétérans veulent retourner là-bas. Nous comprenons que rester ici alors qu’on se bat là-bas, ce n’est pas bien. Nous avons le sentiment que c’est là-bas qu’il faut être. Parce que si on n’y retourne pas, qui ira se battre et défendre notre pays? Du four au front, Leonid est mobilisé pour prendre sa vie en main, venir en aide à ses frères d’armes, et développer de nouvelles recettes de pizzas.Ecouter le reportage ici

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