RFI: Embellie économique en Ukraine

Intervention dans la séquence Bonjour l'Europe, sur RFI, le 16/08/2016L’économie ukrainienne renoue avec la croissance. Après des crises à répétition pendant les deux dernières années, et des conséquences dramatiques pour la population, l’économie a cru de 1,3% au second trimestre, soit la plus forte croissance depuis 2013. FullSizeRenderSébastien, est-ce une tendance sérieuse, sur le long-terme? C’est bien possible, même si le contexte reste évidemment très incertain. Ce à quoi on assiste, c’est avant tout à une stabilisation de l’économie, après les terribles chocs des dernières années. Le système économique s’est adapté à la perte du Donbass, vous savez, ce centre minier et industriel de l’est de l’Ukraine, en guerre depuis deux ans. L’inflation, l’augmentation des prix, est passé de plus de 60% il y a quelques mois à environ 6% aujourd’hui. Dans le même temps, la monnaie s’est stabilisée après une dévaluation historique. Depuis 2014, la hryvnia a perdu 3 fois sa valeur par rapport au dollar et à l’euro. La banque nationale a reconstitué ses réserves de devises, de 5 milliards de dollars à 14 milliards… Donc un retour à la normale, très attendu en Ukraine, et encourageant.Cela dit, ces données de macroéconomie n’ont pas un impact immédiat et concret dans la vie quotidienne des Ukrainiens. En plus des souffrances et sacrifices des deux dernières années, le niveau des salaires n’a que peu évolué: le salaire moyen est toujours l’équivalent de 250 euros par mois… Nous sommes toujours en train de parler d’un pays pauvre, qui s’est appauvri au cours des deux dernières années…Mais alors quels sont les moteurs de cette croissance? Les analystes identifient en premier lieu les secteurs de la construction, et surtout celui des exportations. Vous savez que l’Ukraine est une grande puissance agricole, parmi les premiers exportateurs mondiaux de céréales, d’huile de tournesol et autres produits. Voilà des activités à haute valeur ajoutée. Mais il faut garder en tête que ce sont des secteurs très particuliers, contrôlés par de grands groupes oligarchiques, qui spéculent beaucoup. Ils ont donc peu de retombées positives sur l’ensemble de l’économie.Ce sont aussi d’autres secteurs qui sont en plein dynamisme en Ukraine, comme ceux des nouvelles technologies, de la création de start-ups, de la communication. On voit beaucoup d’initiatives bourgeonner dans le pays, certaines très prometteuses.Mais surtout, ce qu’il faut encore rappeler, c’est que l’on assiste à une stabilisation de l’économie. Maintenant que les gros chocs sont passés, on revient à un rythme d’activité traditionnellement stable, dans toutes les régions.Il est important de comprendre ici que le différentiel de développement ici n’est pas entre l’est industriel et l’ouest agricole, comme on le pense souvent; mais bien entre les villes et les campagnes. En règle générale, à l’ouest comme à l’est, en dehors des grandes agglomérations qui attirent activités et richesses, les Ukrainiens sont mal payés, les infrastructures en mauvais état et la plupart des structures de production sont archaïques. Mais si ça, ça tourne, cela suffit pour stabiliser l’économie, et assurer une reprise statistique.Mais il y a un gros bémol à cette perspective de reprise économique, c’est la corruption, que le gouvernement n’arrive pas à combattre… Oui, c’est le problème fondamental de l’Ukraine post-révolutionnaire. Le FMI et plusieurs soutiens internationaux de l’Ukraine ont d’ailleurs suspendu leur aide financière en exigeant de sérieuses réformes du gouvernement. Celui-ci avance que de réels changements sont difficiles à mettre en oeuvre en période de guerre. Mais non seulement l’oligarchie perdure et la corruption ne faiblit pas, mais rien n’indique que l’exécutif, et le président Petro Porochenko en premier, veuillent réellement lutter contre la corruption endémique dans le pays. Non seulement cela nuit aux Ukrainiens d’innombrables manières, mais en plus cela décourage les investisseurs internationaux.C’est en fait là un des indicateurs les plus importants: s’il n’est pas possible, à cause de la corruption, de garantir des investissements productifs dans un futur proche, qui puissent moderniser et transformer l’économie, il sera impossible d’envisager une quelconque croissance sur le long-terme en Ukraine.Ecouter la séquence ici

Previous
Previous

Mediapart: Escalade russo-ukrainienne, à partir de la Crimée

Next
Next

Libération: L'Ukraine et la Russie ressortent les canons