RFI: En Ukraine, la Menorah du renouveau juif

Reportage diffusé dans l'émission Accents d'Europe, sur RFI, le 29/09/2016Ce 29 septembre, l’Ukraine commémore les 75 ans du massacre de Babi Yar, une des pires tragédies de ce que l’on appelle la “Shoah par balles”, l’extermination des Juifs par les Nazis, par des moyens sommaires. Aujourd’hui, la communauté juive d’Ukraine est en plein renouveau, c’est l’une des plus dynamiques de l’espace post-soviétique. Dans la ville de Dnipro, dans le centre-est du pays, un bâtiment symbolise ce réveil: la Menorah. C’est le centre culturel juif le plus grand du monde. Ukraine : Memorah DniproCe sont 7 tours qui se dressent dans le ciel. 7 tours, qui représentent les 7 branches de la Menorah, le chandelier traditionnel juif. Avec, en son centre, la synagogue de la Rose d’Or. Le symbole est fort, en plein milieu du centre-ville de la grande ville de Dnipro: la communauté juive est en plein développement.A l’intérieur, c’est une vraie petite ville autonome. Iliya Savenko est en charge de l’accueil des visiteurs.Iliya Savenko: Ici, il y a de tout. On peut visiter le musée, voir les galeries d’art, manger au restaurant, assister à une conférence. La Menorah est ouverte à tous, à toutes les nationalités, à toutes les religions. D’ailleurs aujourd’hui, les couloirs sont encombrés par des centaines de participants à conférence sur les nouvelles technologies de la médecine.Le centre, ouvert en 2012 a bénéficié du financement d’importants oligarques juifs de Dnipro. A ce titre, la Menorah est une vitrine pour de puissants intérêts économiques. Mais le bâtiment est bien plus que cela, c’est un lieu d’affirmation de la communauté juive, où tout a été pensé dans le détail.Iliya Savenko: Nous avons prévu un mode Shabbat pour les ascenseurs. Du vendredi soir au samedi, ils sont en mode automatique, et s’arrêtent à chaque étage. Ainsi il n’y a pas besoin d’appuyer sur les boutons. Pareil, la nourriture de tous nos restaurants est certifiée kasher. Au 18ème étage, dans le calme de son bureau, le directeur de la Menorah, le rabbin Shmuel Kaminezki se pose comme le chef d’une communauté qui se redécouvre. Rabbin: Le bâtiment a changé la psychologie des gens. Beaucoup de Juifs vivaient cachés, dans le placard, comme on dit. Ils souffraient d’un complexe de ne pas s’affirmer en tant que Juif. Dans des temps difficiles, les gens payaient pour changer leurs noms et cacher leur identité juive. Par exemple, de Rubinstein à Shevchenko. C’est en train de changer. Les gens s’assument, s’affirment Juifs. Ils portent la kippa dans la rue… Je pense que ce bâtiment aide à ce changement. Vous savez, la nuit, on voit les lumières de la Menorah depuis toutes les fenêtres de la ville…Au sein du centre, on trouve le musée de la mémoire juive et de l’holocauste, le 3ème plus grand du monde. Différentes expositions présentent les traditions de la communauté juive dans le contexte local, comme partie prenante de l’histoire de l’Ukraine. Dans ses moments heureux, comme tragiques.Rabbin: Les Juifs et les Ukrainiens ont une relation ambigüe. D’un côté, beaucoup de choses ont été développées ici: le hassidisme, le sionisme, la culture yiddish… D’un autre côté, il y a les pogroms, l’holocauste… Il faut dire qu’aujourd’hui, le nationalisme ukrainien qui nous faisait peur avant a changé. Les Juifs sont devenus des grands patriotes de l’Ukraine. J’en ai été le premier surpris… C’est donc le moment de discuter de toutes ces questions, et de nous bâtir un bel avenir. Parce que les Juifs n’iront nulle part. Ils veulent vivre ici! Et par “vivre ici”, le rabbin Shmuel Kaminezki entend vivre mieux.Rabbin: Le principal problème de la communauté juive ici, c’est que la majorité des gens sont pauvres. Donc nous devons nous en occuper. Nous faisons ici ce que le gouvernement fait en France, en termes d’aide médicale par exemple. A partir de la Menorah, c’est un réseau de solidarité et d’assistance qui se tisse, dans la ville de Dnipro et en Ukraine. La maison de retraite “Beit Barukh”, financée par la communauté, en est un bon exemple . Dans des conditions exceptionnelles pour l’Ukraine, elle abrite des survivants de l’Holocauste, et des réfugiés de la guerre du Donbass.Yelena Iltchenko ne le cache pas: elle n’imaginait pas vivre aussi longtemps, aussi bien.Yelena Alexandrivna: J’ai 85 ans, bientôt 86. Grâce aux personnes qui travaillent ici, je suis vivante,  comme beaucoup d’entre nous!Comme la Menorah, cette maison de retraite est un lieu d’épanouissement et d’affirmation de la communauté juive.Yelena Alexandrivna: Je suis enchantée car ici, on peut apprendre les traditions, l’histoire, la culture juives; les prières, les enseignements de la Torah. Yelena Iltchenko est une ancienne professeure d’anglais, toujours attirée par d’autres langues et pays. Et ici, à Beit Barukh, elle apprend à redécouvrir sa propre culture.Yelena Alexandrivna: J’étais athéiste, comme tout le monde, sous le régime communiste. Après, j’ai commencé à me souvenir de mes parents, qui parlaient yiddish. Je me rappelle qu’ils m’avaient appris des chansons juives. Celle-ci est pleine d’humour, écoutez: CHANSON Vous comprenez? Avec humour et légèreté, les Juifs de Dnipro, et d’Ukraine en général, se redécouvrent une identité oubliée. Les lumières de la Menorah brillent avant tout pour dissiper les noirceurs de l’Histoire.Ecouter le reportage ici

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