RFI: Les hôpitaux en ruines dans l’est de l’Ukraine

Reportage diffusé dans l'émission Accents d'Europe, sur RFI, le 03/10/2016Depuis la guerre dans le Donbass, il y a deux ans, les hôpitaux de l’est de l’Ukraine souffrent de pénurie. Ils manquent de tout : de médicaments, de médecins et de matériel. C’est le cas à Rubijné, dans la région de Louhansk sous contrôle ukrainien. img_6179Dans la cage d’escalier, le plafond s’effrite depuis des années. A l”étage, des patients attendent sur des bancs en plastique défoncés. L’appareil de RADIOLOGIE  date des années 1970. Le laboratoire d’analyses est rempli d’ustensiles rouillés. Les résultats sont rédigés sur des carnets de papier. Ne cherchez pas d’ordinateur ici. C’est le docteur Konstantyn Zogan qui fait la visite de l’hôpital de région de Rubijné.Konstantyn Zogan: Nous avons déjà eu des visiteurs étrangers, qui nous ont demandé où ils étaient tombés: dans un hôpital, ou dans un musée?C’est bien un hôpital, L'un des principaux dans l’est de l’Ukraine. Rubijné est à 100 kilomètres au nord de Louhansk, l’ancienne capitale de région, aujourd’hui place forte des séparatistes pro-russes.La zone est industrielle et très densément peuplée. Les nombreux départements de la clinique couvrent plusieurs dizaines de milliers de personnes.Edouard Kravchenko en est le médecin en chef.Edouard Kravchenko: Nous avons des soucis d’approvisionnement de médicaments et de matériel médical. A cela s’ajoute un équipement dépassé. Et les médecins docteurs ne veulent pas travailler ici. Il nous manque 30% de docteurs. C’est dans ces conditions qu’il nous faut assurer des conditions de soins décents pour la population locale.Et depuis 2014, tout s’est compliqué pour l’hôpital.Edouard Kravchenko: A cause de la guerre, nous nous sommes retrouvés dans des situations que nous n’avions jamais imaginé. Avant, nous avions l’hôpital de région de Louhansk, et nous transférions tous les cas sérieux là-bas. Maintenant, c’est bien plus difficile. Soit il nous les traitons ici, soit les patients sont  envoyés à plusieurs centaines de kilomètres, vers Kharkiv ou autre… Il faut comprendre que nous avons moins de moyens pour soigner plus de gens, car les personnes déplacées par la guerre viennent chez nous.L’une de ces personnes déplacées, c’est Lena Sennaya, originaire de Pervomaisk, un des centres des troupes cosaques pro-russes. Elle s’est réfugiée à Rubijné avec ses enfants.Olena Sennaya: J’étais infirmière avant. Les conditions d’hygiène qu’il y a ici en pédiatrie, je n’ai jamais vu cela auparavant.Olena Sennaya bénéficie de l’aide du Fonds d’Alexander Romanovskiy, une association humanitaire locale.Là où les organisations internationales se concentrent sur l’urgence de la guerre, le Fonds s’attaque aussi à des problèmes profondément enracinés dans la région.Dmytro Butko, l’un des représentants de l’associationDmytro Butko: La région de Louhansk a toujours été au bord de la catastrophe humanitaire. Aujourd’hui, à cause de la guerre, ça s’est empiré, évidemment. Mais il faut comprendre que la région est défavorisée depuis longtemps. Nous avons toujours eu d’énormes problèmes d’écologie, de santé…Des problèmes qui, avec la guerre, deviennent de véritables risques pour la santé publique, dans une région où vivent entre 3 et 6 millions de personnes.Pourtant, le gouvernement central n’alloue aucune ressource supplémentaire à l’hôpital de Rubijné. Les financements sont toujours attribués sur la même base qu’avant la guerre.Edouard Kravchenko, médecin en chef, se sent oublié de la capitale.Edouard Kravchenko: Le coeur du problème réside dans ce que veut vraiment le gouvernement central... Quel prix donne -t-il à la vie humaine,  qu’est-il  prêt à faire pour le système de santé dans le pays ?Une de ses stratégies est de développer des partenariats avec des donateurs internationaux. Mais quand on lui demande quels sont ses besoins prioritaires, la réponse est lapidaire:Edouard Kravchenko: Ca irait plus vite de vous dire ce dont on n’a pas besoin…L’humanitaire Dmytro Butko ne désespère pas, et s’efforce de trouver des partenaires pour l’hôpital.Dmytro Butko: Et c’est pour cela qu’il nous faut développer un système rationnel de distribution de l’aide humanitaire et de l’assistance aux hôpitaux. Afin que l’on puisse atteindre ceux qui en ont besoin.Dans une région bouleversée par un conflit qui perdure, il est difficile de définir des priorités. Il semble que tout le monde a besoin de quelque chose. Mais la déliquescence du système hospitalier pose des problèmes qui, petit à petit, peuvent avoir des conséquences désastreuses.Ecouter le reportage ici

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