Deal sur les terres rares: racket ou opportunité?

L’envoyé spécial de la Maison blanche Keith Kellog vient de terminer une visite de 3 jours à Kiev

qui a été visiblement bien plus constructive que les derniers échanges et noms d’oiseaux entre Donald Trump, son équipe et Volodymyr Zelensky.

Mais Keith Kellogg était venu d’abord et avant tout pour consulter les Ukrainiens

et leur transmettre des orientations et décisions que lui n’a pas prises, mais que l’administration Trump entend appliquer.

Parmi ces transferts, un nouveau jet de l’accord sur l’exploitation des terres rares ukrainiennes

Bonjour à tous c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo où l’on explore cette question des terres rares et de ce que beaucoup considèrent comme du racket ou une exploitation coloniale de la part de Donald Trump

alors que, si les choses étaient tournées différemment, elles seraient une opportunité économique historique pour l’Ukraine.

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Quand il est parti de Kiev, Keith Kellogg a salué Volodymyr Zelensky comme le dirigeant courageux d’un pays en guerre

ce qui tranche avec l’accusation de dictateur sans élection lancée par Donald Trump

Volodymyr Zelensky lui a parlé d’une rencontre qui renouvelle l’espoir dans sa relation avec les Etats-Unis

Tout ça c’est bien joli, et ça participe à ce phénomène de yo-yo émotionnel, ou de montagnes russes

on s’insulte hier, on se rabiboche aujourd’hui, on se tape dessus demain

mais Keith Kellogg, on l’a vu depuis quelques semaines, il n’a pas de pouvoir au sein de l’administration Trump

il ne fait pas partie de l’équipe qui mène les négociations directement avec la Russie

et les Russes ont toutes les raisons de ne pas l’aimer puisqu’il préconise l’établissement d’un rapport de force avant de négocier

du point de vue du Kremlin, pourquoi s’embarrasser avec ce genre de personne quand tellement de gens bien intentionnés dans l’équipe Trump

sont prêts à donner beaucoup à la Russie sans rien exiger en échange?

Je caricature un peu mais tout ce qu’on a vu ces dernières semaines, c’est de cet ordre.

C’est Steve Witkoff qui a pris la place de Keith Kellogg,

Steve Witkoff c’est un milliardaire de l’immobilier, donc quelqu’un que Trump comprend et sans doute respecte.

et qui a été nommé comme envoyé spécial pour le Moyen-Orient, qui a travaillé au cessez-le-feu à Gaza

puis qui s’est rendu à Moscou pour faire libérer un citoyen américain qui y était emprisonné.

Donc Keith Kellogg, général de carrière, politologue reconnu, il fait la tournée de quelques capitales européennes dont Kyiv, il rassure, il consulte

et Steve Witkoff il va directement à Moscou, le vrai centre de pouvoir que Donald Trump reconnaît et respecte.

Le fait que Steve Witkoff soit aussi impliqué dans ce processus, ça peut signaler un deal qui dépasserait l’Ukraine

et qui inclurait le Moyen-orient aussi

les pourparlers entre la Russie et les Etats-Unis se sont tenus en Arabie saoudite

et vu l’engagement de l’administration Trump en faveur d’Israël, on peut se dire qu’elle doit vouloir agir contre l’Iran, qui est un allié de la Russie

donc de là à imaginer qu’on lâcherait l’Ukraine pour que la Russie lâche l’Iran…

J’arrête là, je reviens à cet accord sur les ressources minérales.

Keith Kellogg, il a sans doute transmis à Volodymyr Zelensky la feuille de route qui a déjà été discutée et peut-être décidée à Riyad.

mais il a aussi transmis un brouillon d’accord sur l’exploitation des ressources minérales ukrainiennes qui apparemment est plus équilibré que le premier.

rappelez-vous, le premier accord exigeait de l’Ukraine 50% des revenus tirés des ressources ukrainiennes et pas seulement minérales

on parlait des terres rares, du gaz, du pétrole, mais aussi de prendre des parts dans des ports et des entreprises stratégiques comme Naftogaz ou des groupes industriels

l’accord ne comprenait pas de limite temporelle, il visait à récupérer une somme de 500 milliards de dollars que Donald Trump estime avoir dépensé pour aider l’Ukraine

alors que ce n’est qu’environ 100 milliards de dollars et qu’une grande partie a été destinée au complexe militaro-industriel américain.

et surtout l’accord ne comprenait aucune garantie de sécurité, il ne visait qu’à se rembourser de l’aide déjà déboursée

là visiblement le second jet de l’accord est plus équilibré.

On ne connaît pas les détails, on ne sait pas si les Ukrainiens peuvent l’accepter.

mais ce qu’il faut voir, c’est que l’esprit originel de l’accord, en dehors des questions liées à la sécurité,

c’est d’offrir une opportunité économique inespérée à l’Ukraine

On ne sait pas l’étendue des ressources minérales ukrainiennes, il n’y a pas eu d’exploration sérieuse depuis des estimations soviétiques qui allaient à l’époque jusqu’à 12 trillions de dollars

c’est peut-être plus, sans doute moins, mais en tout cas il y a de quoi faire: lithium, uranium, titane, manganèse, du graphite et autres

et en 34 ans d’indépendance, l’Ukraine n’a pas entamé l’exploration et encore moins l’exploration de ces ressources

si vous connaissez l’Ukraine, vous devez connaître cette blague sur le potentiel de l’Ukraine, on n’arrête pas de dire que c’est un pays avec énormément de potentiel

et c’est vrai

mais depuis 34 ans, ce potentiel il n’est pas exploité pleinement

dans beaucoup de secteurs, mais dans ce cas précis celui des ressources minérales

En cause, le système oligarchique, avec les grandes fortunes ukrainiennes qui ont visé des rendements faciles avec le charbon, le gaz, la métallurgie, l’agriculture

mais aussi la corruption, le manque de moyens, le manque de vision stratégique des élites politiques…

Pour explorer et exploiter des ressources minérales, il faut du temps, de la stabilité et des investissements conséquents, qui ne se remboursent que sur plusieurs années.

donc que ce soit à travers cet accord ou non, les Ukrainiens vont avoir besoin de capitaux étrangers pour les aider à mettre en marche ce processus long et coûteux.

Quand Volodymyr Zelensky a fait cette proposition à l’automne dernier, il pensait évidemment à l’effort de guerre et aux garanties de sécurité,

mais sans doute aussi aux perspectives économiques de son paix après la guerre.

et en général les Ukrainiens sont prêts à mobiliser leurs ressources pour plaire aux Américains et s’assurer de leur soutien

on a vu le ministre des affaires étrangères proposer les espaces de stockage souterrains du pays pour accueillir le gaz naturel liquéfié américain avant de le revendre sur les marchés européens

et à la conférence de Munich, on aurait un membre de la délégation ukrainienne qui aurait confié au Washington Post que l’Ukraine a un excédent d’oeufs

et qu’elle pourrait les expédier aux Etats-Unis pour lutter contre l’inflation

évidemment, c’est à moitié une plaisanterie, les Etats-Unis veulent les terres rares car ça s’inscrit dans une lutte pour le contrôle de ces ressources au niveau mondial

Mais ça montre que l’Ukraine est ouverte à la discussion quant à l’utilisation de ses ressources

ce qui a brusqué, c’est l’ambiance générale de la proposition américaine

l’approche coloniale ou post-coloniale, les demandes maximalistes, l’absence de garanties de sécurité

là, on a un deuxième brouillon et visiblement il est plus équilibré

mais ça ne veut pas du tout dire qu’il va être adopté et appliqué

le conseiller à la sécurité de Donald Trump Michael Waltz vient tout juste d’intimer l’ordre à Kyiv de baisser d’un ton, de respirer un bon coup et de signer cet accord

Donald Trump vient d’assurer que la présence de Volodymyr Zelensky n’est pas requise pour négocier un accord de paix

on sent qu’il y a un ressentiment profond entre les deux hommes

et surtout, quid des garanties de sécurité?

le président de la chambre des représentants Mike Johnson vient tout juste de dire qu’il n’avait aucun appétit pour faire passer un nouveau paquet d’aide militaire pour l’Ukraine

rien n’a été adopté depuis un mois que l’administration Trump a pris ses fonctions donc à un moment ça va créer un trou.

et jusqu’où les Etats-Unis sont-ils prêts à aller pour que l’Ukraine retrouve le contrôle des régions occupées par la Russie où se trouvent certains gisements de ces terres rares.

Est-ce l’administration Trump pense à des livraisons d’armes,

à une protection étendue à tout le pays ou à certaines régions

ou seulement concentrée autour de certains sites de production sans se soucier de ce qui se passe autour, comme on l’a vu en Irak ou en Syrie?

Ou alors l’administration Trump ne pense à rien, et veut laisser les Ukrainiens se débrouiller tout seuls, faire son deal avec la Russie

et tenter de récupérer quelques billes avant que, pensent-ils le pays s’effondre?

Après les dix derniers jours, on a tous tendance à penser que c’est la dernière hypothèse,

Mais il faut garder la tête froide, on est dans une négociation et dans la redéfinition d’un rapport de forces entre Ukraine et Etats-Unis inédit depuis 1991, et entre l’Europe et les Etats-Unis inédit depuis 1945

donc il y a de nouvelles réalités qui s’imposent et un nouveau rapport de forces, ça ne veut pas dire que l’Ukraine ou l’Europe vont s’effondrer du jour au lendemain et tout céder.

Je termine avec l’Europe, encore une fois.

Comme je l’ai dit, l’exploration et l’exploitation des terres rares c’est une opportunité économique pour l’Ukraine et ses partenaires

alors pourquoi les Européens ne viendraient-ils pas avec leur propre proposition d’investissement et de garantie de sécurité?

c’est une question ouverte, je ne vais pas y répondre ce soir,

Merci

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