Edito: Cette guerre est aussi notre guerre
Edito publié dans La Libre Belgique, le 24/03/2022
Déjà un mois que l’Ukraine se défend contre l’invasion, au prix de milliers de morts, de millions de personnes déplacées et exilées, de villes rayées de la carte ou en passe de l’être. La résistance ukrainienne force le respect et inspire une mobilisation inédite, tant institutionnelle que citoyenne, à travers le continent européen et au-delà. Mais, déjà, on se dit qu’une image d’horreur ressemble à une autre. La menace de la guerre nucléaire se fait plus lointaine. La couverture médiatique en devient moins dense et les conversations moins passionnées. Nous glissons petit à petit vers d’autres sujets de préoccupation. C’est très humain. Après deux ans de pandémie, notre lassitude est compréhensible et les déUs économiques sont pressants, notamment en termes de pouvoir d’achat. Cependant, nous ne pouvons nous permettre de "régionaliser" cette guerre russe en Ukraine et d’en observer les conséquences de loin - comme il nous a été bien commode de cantonner les Balkans ou la Syrie aux rangs de conXits locaux, malgré quelques "externalités" inconvenantes comme des traUcs d’armes ou des aYux de réfugiés. Le 24 février, notre monde, déjà éprouvé par des crises à répétition, a basculé. En lançant ses chars à travers la steppe, comme sur des clichés en noir et blanc de la Seconde Guerre mondiale, Vladimir Poutine a renversé la table et craché à nos visages de fervents croyants d’une promesse kantienne de paix perpétuelle, d’un ordre démocratique et multilatéral, de mœurs guerrières adoucies par le commerce. En commençant un conXit qui dépasse notre rationalité, le Kremlin remet en cause nos certitudes, nos acquis politiques et, par là même, nos modes de vie. Vladimir Poutine n’est certes pas éternel. Mais, dans son ombre, on trouve Xi Jinping et d’autres autocrates désireux de bouleverser les équilibres globaux sur notre planète. Au travers des colonnes noires des fumées de bombardements russes, on distingue déjà les contours d’un monde nouveau que nos adversaires s’empressent d’édiUer. Aussi ne peut-on se permettre de vaquer à nos occupations, en espérant que tout redeviendra comme avant, un beau jour prochain. Il nous faut repenser les fondamentaux de notre monde aUn de conserver notre capacité à agir, au risque de nous faire dicter la loi d’un autre.