Edito LLB: Les Russes ne peuvent plus laisser faire Poutine

Edito publié dans la Libre Belgique, le 25/02/2022

Au deuxième jour de l'invasion de l'Ukraine, le président Zelensky a déclaré être prêt à "discuter de la neutralité de son pays". En réponse, le Kremlin a annoncé qu'il considérait "envoyer une délégation à Minsk pour négocier". Serait-ce là une opportunité de mettre Xn aux combats dévastateurs qui ont déjà causé des centaines de morts et des dégâts matériels considérables ? Rien n'est moins sûr.

Sur le terrain, les opérations militaires se poursuivent pour encercler Kiev. Et quand bien même des négociations se tenaient, cela ne changerait rien au crime abominable qu'a commis le chef du Kremlin en lançant une guerre conventionnelle, dans l'Europe du XXIe siècle, contre un pays souverain, sous des prétextes fallacieux. Vladimir Poutine a révélé son vrai visage au monde. Même les Occidentaux, qui cherchaient il y a peu le dialogue et l'apaisement, redoublent de quolibets disgracieux pour dénoncer un "dictateur" en pleine "dérive idéologique". Tout en multipliant l'adoption de sanctions censées être "dévastatrices", l'Occident se réveille à la véritable nature du régime poutinien. Tardivement, certes. Trop tardivement, hurlent les Ukrainiens. Même Xi Jinping appelle Moscou à négocier avec Kiev. Des vociférations internationales qui soulèvent la question des réactions des Russes eux-mêmes. On a bien vu des manifestations dans plusieurs villes, des publications indignées sur les réseaux sociaux, des lettres ouvertes de chercheurs, scientiXques et journalistes, des déclarations d'Alexeï Navalny depuis sa prison ou encore la puissante couverture de Novaïa Gazeta, vendredi. En titrant "La Russie. Bombarde. L'Ukraine.", le journal, dont le rédacteur en chef a été un des récipiendaires du prix Nobel de la paix en 2021, a offert une couverture de la guerre la plus objective possible, à la fois en langues russe et ukrainienne. Le choc et l'émotion sont évidents. Mais qu'est-ce que cela a changé sur la conduite des hostilités ? Rien. Absolument rien.

Certes, on sait que ces dénonciations sont risquées. La répression de toute voix discordante est féroce en Russie et plus de 1 700 des manifestants de jeudi ont Xni en prison. Ces courageux protestataires ont prouvé que les Russes ne prennent pas nécessairement pour argent comptant les produits de la machine d'État de propagande de désinformation, qui a dénigré l'Ukraine pendant des années comme un pseudo- État en faillite dirigé par "une bande de toxicomanes et de néonazis", selon les mots de Vladimir Poutine. Nul doute que la majorité d'entre eux n'ont pas voulu les atrocités perpétrées par celui qui s'est imposé comme un leader à vie : Tchétchénie, Géorgie, Crimée, Donbass, Syrie, Centrafrique, Mozambique, Mali... la liste est longue. Cette nouvelle guerre dans une Ukraine que beaucoup de citoyens russes considèrent, à tort ou à raison, comme très proche servira-t-elle, enXn, à sonner l'alarme ? On ne peut que le souhaiter. Car on peut comprendre la répression. Mais on connaît aussi le concept de la culpabilité collective, théorisé après 1945. Il est vital que les Russes s'en souviennent et fassent cesser le cynisme dramatique de cette invasion. Sans quoi l'Histoire ne les jugera pas uniquement comme spectateurs de cette tragédie.

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