Edito LLB: Une médiation à haut risque

Edito publié dans La Libre Belgique, le 08/02/2022

On se souvient de Nicolas Sarkozy voyageant de Moscou à Tbilissi en août 2008 et brandissant un accord de cessez-le-feu comme une victoire personnelle. Nul doute qu’Emmanuel Macron se le rappelle, alors qu’il monte au front diplomatique pour obtenir une désescalade des tensions russo-ukrainiennes. Lundi au Kremlin et ce mardi à Kiev, qu’espère le président français, lui qui arrive très tard dans ces négociations ? On a vu que Vladimir Poutine recherchait avant tout la compagnie des plus grands, en négociant d’abord avec les Américains ou en rencontrant Xi Jinping en marge des JO de Pékin.

M. Macron n’a pas été invité comme médiateur, il s’est imposé. Et M. Poutine le lui fait bien sentir, en le plaçant au bout d’une longue table de marbre. Sur les réseaux sociaux, les commentaires railleurs allaient bon train, comme "il y a plus de distance entre les deux présidents qu’entre les troupes russes et la frontière ukrainienne". Une manière d’humilier M. Macron, dont on ne sait d’ailleurs sous quelle casquette il se présentait à Moscou. Représentant de l’Union européenne, alors que son pays est aux manettes du Conseil des ministres ? Président français qui tente de faire valoir une voie propre, basée sur sa politique de la main tendue et du dialogue constant qu’il a entretenu avec M. Poutine depuis 2017 ? Ou un quasi-candidat à sa réélection, qui se sert de ses fonctions actuelles pour en imposer à ses rivaux ? L’incertitude sur ce positionnement inquiète beaucoup en Europe, après ses récentes déclarations sur les "concessions" qu’il faudrait faire à la Russie et le "respect" qu’il conviendrait de lui témoigner.

La France, gênée au Mali ou en Centrafrique par les agissements des milices Wagner, dépendante de Moscou dans les négociations sur le nucléaire iranien, n’est pas en position de force pour discuter avec la Russie. D’autant que, la diplomatie française n’étant traditionnellement pas axée sur l’Europe centrale et orientale, on peut redouter que ces compromis n’aillent pas dans l’intérêt des peuples concernés, Ukrainiens en tête. Or, ceux-ci sont en état de guerre depuis 2014 et aujourd’hui en première ligne. Ne conviendrait-il pas de s’adresser d’abord aux principales victimes européennes de cette démonstration de force russe ?

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