Faire payer la Russie?
Ursula Von der Leyen était à Kyiv hier, 20 septembre.
Pour son premier voyage en tant que présidente nouvellement réélue de la Commission européenne
Elle n’est pas venue les mains vides, mais avec des promesses de rénovation d’infrastructures énergétiques et l’annonce d’un plan d’emprunt pour l’Ukraine.
Pourquoi Ursula von der Leyen vient-elle si tard à Kyiv parler de rénovations d’infastructures énergétiques, alors que la saison froide commence dans quelques semaines?
Et puis, dans le cadre du paquet d’aide, 100 millions d’euros sont issus des intérêts générés par les fonds russes gelés.
Mais pourquoi seulement 100 millions, alors que c’est plus de 300 milliards d’euros qui sont gelés?
Bonjour à tous c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où l’on va parler de l’aide européenne à l’Ukraine, et adresser cette question qui fait débat: pourquoi l’Union européenne doit s’endetter pour aider l’Ukraine alors que les fonds russes qui sont gelés feraient très bien l’affaire?
—————————————————
Ursula von der Leyen s’est distinguée depuis 2022 par un soutien constant en faveur de l’Ukraine.
Dans le cadre de ses prérogatives à la fois étendues en tant que présidente de la Commission et limitées par les contre-pouvoirs des Etats-membres, elle a fait beaucoup.
et a beaucoup communiqué sur ses actions.
Elle vient tout juste d’être réélue pour un second mandat et a présenté la liste de son collège de commissaires.
Et donc si elle vient à Kyiv si tard pour parler de rénovations d’infrastructures énergétiques, c’est qu’elle était occupée à Bruxelles jusque là.
Même si on pourrait dire qu’elle n’avait pas besoin de se déplacer pour annoncer un programme d’assistance.
D’autant qu’à Bruxelles, une annonce préliminaire évoquait la remise en état d’une capacité de production de 4,5 gigawatts d’énergie, à peu près 25% des besoins ukrainiens.
Mais à Kyiv, Ursula von der Leyen a annoncé la rénovation de 2,5 gigawatts, soit 15% des besoins du pays.
Et est-ce que cela sera mis en place d’ici au mois de novembre, décembre, quand le pays en aura vraiment besoin?
Les Ukrainiens saluent l’initiative de la Commission, mais après deux ans et demie d’invasion généralisée, force est de constater que beaucoup d’annonces n’ont pas été suivies d’effets
ou qu’elles se sont concrétisées trop tard.
Par exemple l’initiative d’un million d’obus d’artillerie pour l’Ukraine, qui a mis des mois et des mois à produire des résultats.
——————————————
La présidente de la Commission est aussi arrivée avec la promesse d’un grand emprunt au niveau européen à hauteur de 35 milliards d’euros.
Là encore, à Bruxelles, on parlait de 40 milliards d’euros, donc des ambitions revues à la baisse.
35 milliards d’euros, c’est exactement le montant du déficit budgétaire de l’Ukraine qui est prévu pour 2025.
L’argent ne va pas forcément aller directement aux finances publiques, il peut être utilisé pour la défense, les infrastructures et autres. Les Ukrainiens en décideront.
mais ça donne un ordre d’idée du soutien européen à l’effort de guerre.
Cet emprunt européen de 35 milliards d’euros, il s’inscrit dans le cadre d’un plan du G7, décidé en juin.
45 milliards d’euros de prêts à l’Ukraine qui doivent être répartis entre les Européens, les Américains, les Britanniques, les Canadiens et les Japonais.
Et qui doivent être financés par les profits générés par les avoirs russes gelés.
Là, il faut que j’ouvre une parenthèse.
Les fonds russes, c’est plus de 300 milliards d’avoirs dans les circuits financiers mondiaux qui ont été gelés dès l’invasion généralisée de l’Ukraine par la Russie.
Les Etats-Unis ont été assez fermes avec les fonds qui ont été gelés sous leur juridiction.
Ils ont fait passer une loi sur mesure, le REPO Act, qui permet d’utiliser ces avoirs gelés.
Mais deux tiers des 300 milliards se trouvent en Belgique car c’est là qu’il y a le siège de la société Euroclear, qui régule les transactions liées au marché obligataire.
Et les Belges, les Européens en général, sont beaucoup plus frileux.
Ils ont commencé à utiliser les impôts sur les profits générés par ces fonds
parce que bien que gelés, les avoirs continuent à générer des intérêts
Ensuite ils ont entrepris d’utiliser les profits générés par ces fonds.
Donc d’abord les taxes sur les profits, puis les profits.
En mai, les 27 Etats-membres ont convenu d’utiliser ces profits pour l’Ukraine, ce qui représenterait 3 milliards d’euros par an.
Ca irait directement à la défense du pays.
Mais utiliser les avoirs eux-mêmes, ça reste non seulement un tabou en Union européenne,
mais en plus c’est compliqué par la règle de l’unanimité, qui n’est jamais atteinte à cause du blocage de la Hongrie.
Donc je ferme la parenthèse.
———————————
C’est hyper technique et compliqué, mais il faut passer par tout ça parce que la question sous-jacente est fondamentale:
depuis le 24 février 2022, l’Europe, institutions et Etats mis ensemble, ont déboursé plus de 110 milliards d’euros pour l’Ukraine.
Ce qui est à la charge des contribuables européens.
Alors qu’il y a 300 milliards de dollars d’avoirs russes gelés, dont les deux tiers tranquillement immobiles sur des comptes en Belgique.
———————————
Alors en plus des 3 milliards de profits par an que j’ai évoqué pour le secteur de la défense, Ursula von der Leyen a aussi annoncé hier à Kyiv un paquet de 160 millions d’euros pour les infrastructures énergétiques.
Dont 100 millions venant de ces profits générés par les avoirs russes.
Elle a dit: “La Russie doit payer pour les destructions qu’elle provoque”.
Mais 100 millions, 3 milliards, on est très très loin des 300 milliards que la Russie pourrait effectivement payer.
Et le plus étonnant c’est que ça ne fasse pas débat dans les pays européens, comme si on préférait tout mettre à charge du contribuable…
Merci d’avoir regardé!