France 24: La Russie attaque et saisit trois navires de la flotte ukrainienne, blesse 6 marins

Intervention dans le journal de 22h sur France 24, le 25/11/2018

Regain de tensions entre l’Ukraine et la Russie. Kiev affirme que trois de ses navires en mer noire ont été attaqués par des bâtiments russes. Le Président Petro Porochenko a convoqué son conseil de guerre. Il dénonce une escalade préméditée. Pour en parler, Sébastien Gobert depuis Kiev

Que s’est-il passé?

A l’heure actuelle, les autorités ukrainiennes assurent que leurs trois bateaux, donc deux corvettes armées et un remorqueur non armé, ont été capturés par les services de sécurité et les gardes-frontières russes. On attend plus de précisions sur le sort des vaisseaux, des équipages, et des blessés. Le bilan s’élèverait à 6 marins ukrainiens blessés.

Tout est parti de l’envoi par les autorités ukrainiennes ce matin de ces trois bateaux du port d’Odessa, à l’ouest, pour traverser la mer Noire et entrer dans la mer d’Azov, à l’est. Il faut visualiser la géographie de la mer d’Azov. C’est une mer fermée, bordée par l’Ukraine et la Russie. Au sud, le seul point de passage c’est le détroit de Kertch entre la Russie et la Crimée annexée illégalement en 2014, sous contrôle russe. Au nord, on trouve la zone de guerre des forces ukrainiennes contre les troupes séparatistes de Donetsk et Louhansk, elles aussi sous contrôle de la Russie. La mer d’Azov est donc devenue de plus en plus russe ces derniers mois, en particulier depuis l’inauguration d’un pont au-dessus du détroit de Kertch qui limite le passage de cargos marchands. Le commandement ukrainien s’est rendu compte, assez tard, qu’il n’avait presque pas d’unités militaires pour défendre ses côtes, et il a résolu d’envoyer ces bateaux. Voilà, c’est le coeur du problème.

Mer d’Azov. Google Maps

La situation d’aujourd’hui est assez complexe. Les Ukrainiens affirment qu’ils avaient prévenu la Russie à l’avance du trajet des bateaux et qu’un traité de 2003 garantit la libre-circulation dans la mer d’Azov pour les deux pays. On ne sait pas si le commandement ukrainien avait prévu la réaction russe mais ont tout de même envoyé leurs bateaux par principe, ou non. Pour les Russes, c’est assez clair. Leur réaction relève de la légitime défense après une incursion dans leurs eaux territoriales. La notion d’eaux territoriales est très contestable étant donné que l’annexion de la Crimée n’est toujours pas reconnue internationalement.

Donc ce qu’il s’est passé aujourd’hui, c’est que le remorqueur s’est fait tamponner par un navire russe au large de la Crimée dans l’après-midi, et que les deux autres se sont fait menacer de tirs devant le pont de Kertch dans la soirée. La situation reste très tendue. Le pont de Kertch est bloqué par un gros cargo. Il se trouve sur place une petite armada russe. Plusieurs navires militaires, des vaisseaux légers des gardes-frontières, deux hélicoptères et deux avions de chasse de classe Sukhoi. Les observateurs restent assez fébriles.

Doit-on s’attendre à une nouvelle escalade?

Sur le terrain militaire, on ne peut pas attendre grand chose dans l’immédiat, étant donné que les Ukrainiens n’ont simplement pas les moyens de riposter. Ils ont perdu 3 bateaux aujourd’hui, et ils n’ont rien à opposer à l’armada russe. Mais sur le plan politique et diplomatique, l’affaire va porter à conséquence. Vous vous rappelez, la Russie a nié toute intervention en Ukraine à partir de 2014. Que ce soit pendant l’annexion de la Crimée et dans la guerre à l’est. Là, c’est la première fois que des forces régulières ukrainiennes affrontent publiquement des forces régulières russes. On peut donc l’interpréter comme un acte de guerre, et donc la reconnaissance officielle du conflit entre les deux pays. Le chef du Conseil de Sécurité et de Défense d’Ukraine, Oleksandr Tourtchinov, vient d’appeler à déclarer l’état de guerre.

Le Président Porochenko a, comme vous le disiezn convoqué son conseil de guerre. Il appelle à une session d’urgence du conseil de sécurité de l’ONU. Il appelle déjà à de nouvelles sanctions contre la Russie. Petro Porochenko peut aussi faire de cet escalade un test de la solidarité des Occidentaux avec l’Ukraine et réclamer de nouvelles sanctions. La situation évolue très rapidement.

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