Frapper la Russie avec des missiles occidentaux?

Au réveil, les Ukrainiens ont découvert des images d’infrastructures éneergétiques russes en feu, notamment une raffinerie près de Moscou.

Les forces armées ukrainiennes avaient envoyé 158 drones suicides pour une attaque massive.

A 13h, dix missiles balistiques russes visaient Kharkiv, la seconde ville du pays, causant plus de quarante blessés et de sérieuses destructions.

Ce flux d’information en montagne russe, sans mauvais jeu de mot, il est constant depuis le 24 février 2022.

Mais aujourd’hui il s’inscrit dans la nouvelle priorité des Ukrainiens: obtenir des Occidentaux l’autorisation d’utiliser des missiles de longue-portée pour frapper la profondeur russe.

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où l’on va parler des évolutions du conflit, de l’attitude des pays occidentaux et, bien sûr, de lignes rouges…

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Les attaques ukrainiennes sur les infrastructures russes dont j’ai parlé en intro s’inscrivent dans une stratégie que l’Ukraine poursuit depuis déjà plus d’un an.

Avec des succès conséquents, par exemple des raids de drones sur plus de 1500 kilomètres.

L’Ukraine vise des sites militaires, des bases et des aérodromes, mais aussi des centres logistiques, des infrastructures de transport et de production d’énergie.

Il y a des pertes civiles russes et donc bien que l’Ukraine soit en position de légitime défense, qu’elle soit la victime de l’invasion russe,

il y a une symétrie des souffrances qui s’établit dans les perceptions médiatiques ukrainiennes et russes.

Aucune des parties ne se soucie vraiment des pertes civiles chez l’autre.

On voit même certaines catégories des populations s’en réjouir.

Comme quoi les fractures provoquées par cette guerre sont profondes, et vont durer longtemps.

Je reviens aux frappes en territoire russe.

L’Ukraine utilise principalement des drones dont la distance de projection varie.

Ou de l’artillerie de courte portée sur les zones frontières.

Mais l’Ukraine manque de missiles de longue portée.

Volodymyr Zelensky vient tout juste d’annoncer qu’elle a testé avec succès deux nouvelles armes:

Palyanitsia, qui serait un missile-drone, en fait un missile de croisière.

Le nom Palyanitsia est intéressant. Le mot veut dire type de pain et sa prononciation est apparemment difficile pour les Russes.

Il a donc été utilisé comme mot de passe depuis le début de l’invasion.

La deuxième arme, c’est un missile balistique dont on connaît peu de détails sauf qu’il aurait une portée de 500 kilomètres.

Mais ces deux armes, l’Ukraine ne les a pas encore produit à grande échelle.

Elle manque de capacités pour frapper dans la profondeur russe, comme le font les Russes en Ukraine.

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Alors, pourquoi est-ce important pour les Ukrainiens de frapper dans la profondeur?

D’abord, je viens de le dire, parce que les Russes le font.

Ensuite parce que les Ukrainiens constatent que le rouleau compresseur russe est très difficile à arrêter sur le terrain.

Donc ils cherchent à bloquer les ravitaillements et compliquer la logistique des troupes russes.

Les frappes dans la profondeur forcent aussi l’aviation russe à évacuer les aérodromes les plus proches de la frontière, rajoutant ainsi du temps de vol aux bombardiers de Moscou.

Enfin, et ce n’est pas des moindres, frapper côté russe permettrait d’établir une zone tampon pour protéger les zones frontalières ukrainiennes.

C’est particulièrement important pour les villes de Soumy et de Kharkiv, comme on a vu encore aujourd’hui.

Les villes sont littéralement accolées à la frontière, les habitants ne disposent que de quelques secondes pour se mettre aux abris.

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Alors, cet impératif, il existe depuis le début de l’invasion.

Mais dernièrement, les Ukrainiens ont à la fois intensifié leurs raids de drones et lancé une campagne politico-médiatique pour obtenir l’autorisation des Occidentaux d’utiliser leurs missiles pour frapper en Russie.

L’intensification des raids, c’est lié à l’opération à Koursk, pour accompagner le mouvement de déstabilisation de la Russie.

mais c’est aussi lié aux rumeurs de négociations, qui restent très hypothétiques mais dans lesquelles Volodymyr Zelensky a déjà dit qu’il ne s’engagerait qu’en position de force

quoique cela veuille dire

L’intensification de la campagne politico-médiatique, c’est quelque chose que les Ukrainiens savent très bien faire.

Relayer des messages au niveau politique, sur les réseaux médias, dans les médias, parmi les Ukrainiens de l’étranger…

On se rappelle des campagnes très bien coordonnées pour les défenses aériennes, les chars Leopard, les chasseurs F-16…

Cette fois-ci, c’est sur l’utilisation des missiles occidentaux pour frapper dans la profondeur russe.

On voit dans l’évolution des demandes les évolutions des logiques de la guerre

Et la campagne correspond à un moment politique: la conférence de sécurité GLOBSEC à Bratislava, la conférence YES à Kiev en septembre et l’assemblée générale de l’ONU à la fin du mois.

Les Ukrainiens demandent aux Américains d’utiliser les ATACAMS, aux Britanniques d’utiliser les Storm Shadow, aux Français d’utiliser les SCALP.

Mais voilà, les Occidentaux ont déjà autorisé l’utilisation de leurs armes en territoire russe, sur une étroite bande frontière

Et ils ne sont pas très très enthousiastes à l’idée d’aller plus loin, à commencer par les Américains.

d’abord, ils sont visiblement un peu échaudés par le fait que les Ukrainiens ont lancé une opération à Koursk sans trop les prévenir.

Cela met en lumière les insuffisances de l’administration Biden et les entraves qu’elle pose régulièrement à l’action ukrainienne.

Ce qui met à mal le bilan et l’héritage politique de Joe Biden.

Alors la Maison blanche n’est pas vraiment disposée à être complaisante avec Kyiv.

Les Britanniques et les Français seraient visiblement partants.

On se heurte évidemment à la question des lignes rouges.

Est-ce que frapper la Russie dans sa profondeur ne va pas provoquer une escalade?

Bon, je l’ai déjà dit ici et je le répète, l’histoire de ce conflit, c’est l’histoire de lignes rouges qui sont devenues roses pâles et qui ont été systématiquement franchies sans conséquence cataclysmique.

Pour les Ukrainiens, l’escalade c’était le 24 février 2022. Ce qui s’est passé depuis, ce n’est que la conduite logique de la guerre.

Et les dernières frappes ukrainiennes, de même que l’opération à Koursk, montrent que les Russes ont eux aussi des problèmes de capacité, pour riposter.

Les Ukrainiens insistent aussi sur le fait que la Russie est déjà touchée dans sa profondeur, sans conséquence fâcheuse.

S’ils pouvaient le faire avec des armes occidentales, ce serait plus efficace, assurent-ils.

Dans le cadre de sa campagne politico-médiatique, Kiev change d’approche.

Une délégation vient d’arriver à Washington avec une liste de cibles, si ce n’est une liste de courses.

Le ministre de la défense Rustem Umerov et le chef de cabinet de la Présidence Andriy Yermak veulent s’accorder sur les Américains sur une liste de cibles légitimes

Comme ça la Maison blanche n’aura pas de mauvaises surprises.

A voir s’ils réussissent.

Et à voir l’impact que des frappes dans la profondeur pourraient avoir sur la guerre en général.

Beaucoup de choses peuvent encore se passer avant l’hiver.

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