Koursk: L’Ukraine va rester?
Une administration militaire des territoires occupés, des missions médicales, des convois de ravitaillement humanitaire, et même des bureaux de postes…
Si les objectifs de l’incursion ukrainienne dans l’oblast de Koursk sont toujours incertains, la logistique des troupes de Kyiv dépasse de plus en plus celle d’un simple raid, aller et retour.
Alors, est-ce que l’Ukraine veut rester en Russie? Et si oui, pourquoi?
Bonjour à tous c’est Sébastien, et bienvenue dans cette vidéo où l’on va faire un nouveau point sur l’opération ukrainienne en Russie, sur ses perspectives et sur que Moscou fait et ne fait pas pour contrer ces assaillants.
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On en est déjà à plus de dix jours de l’incursion ukrainienne dans l’oblast de Koursk, en territoire russe.
L’opération avait début dans un secret retentissant de la part des autorités ukrainiennes: la parole a depuis été libérée et les déclarations foisonnent.
Le chef des armées Oleksandr Syrskiy se livre à des rapports quasi-quotidiens sur la situation opérationnelle, on a des journalistes ukrainiens et étrangers travaillant en territoires occupés, et des vidéos de soldats qui filtrent sur les réseaux sociaux.
Les dernières nouvelles, c’est que l’Ukraine contrôle 82 localités sur une zone d’environ 1200kms2.
Et c’est d’ailleurs intéressant, car les autorités ukrainiennes parlent de territoires et villes “libérés”. Libérés de quoi, ce n’est pas du tout clair.
On sait que l’Ukraine est la première victime de cette guerre d’invasion menée par la Russie.
Mais si les troupes ukrainiennes commencent à libérer les Russes de la Russie, cela devient plus flou…
A moins que ce ne soit une libération du régime de Poutine?
Dans ce cas-là, l’opération deviendrait particulièrement ambitieuse.
Mais je reviens au point de situation.
Hier, l’armée a fait exploser un pont sur la rivière Sejm.
Il y a trois ponts sur cette rivière en territoire russe. Si les deux restants sont détruits, alors c’est une zone de 600kms qui sera isolée du reste de la Russie.
Ce serait un territoire plus aisé à défendre, dans le cas où les forces ukrainiennes s’installent dans la durée.
Et cela semble être une perspective de plus en plus probable.
L’armée ukrainienne a créé une administration militaire pour gérer les territoires occupés et leurs populations.
Elle organise des ravitaillements en vivres, en eau, une assistance médicale, et même un service postal.
Est-ce que cette aide est suffisante et distribuée de manière équitable, sans tensions, c’est une autre question, à laquelle il est difficile de répondre à l’heure actuelle.
Toujours est-il que l’incursion ukrainienne ne semble pas prête à quitter les lieux de si tôt.
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Cela fait peut-être partie d’un plan prédéterminé.
Mais cela peut aussi traduire une simple exploitation de la circonstance, comme disent les diplomates.
La circonstance en l’occurrence, c’est la faible réaction russe.
On n’assiste pas à une contre-offensive de grande ampleur.
Les troupes russes s’amassent progressivement.
Elles viennent du front sud ukrainien mais aussi de Kaliningrad.
Et tout porte à croire que Moscou ne dépêche pas des troupes aguerries mais plutôt des brigades de moyenne qualité.
Si riposte il y aura, elle se fait attendre, ce qui donne la possibilité aux Ukrainiens de consolider leurs positions.
Mais pour l’instant, il semble que l’armée russe ne démord pas de son objectif principal: le grignotage du Donbass.
Les troupes de Moscou sont à 6 kilomètres de Myrnohrad, à 10 kilomètres de Pokrovsk. Les autorités locales évacuent en urgence les civils qui sont encore sur place.
Il semble donc que la Russie sacrifie Koursk pour son objectif prioritaire du Donbass
tandis que l’Ukraine privilégie son incursion, son opération parallèle, sans dépenser de ressources pour protéger des villes de l’est qui semblent presque perdues d’avance.
Pourquoi je dis perdues d’avance: car le rouleau compresseur russe, extrêmement destructeur, est lancé, et on a vu ce que cela a donné à Bakhmut, Avdiivka et d’autres endroits.
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Cela étant dit, la prudence est de mise. Tout peut changer d’un jour à l’autre.
Beaucoup d’experts évoquent la possibilité d’une diversion à Koursk pour mieux attaquer au sud de l’Ukraine.
Les récentes attaques contre la Crimée donnent du grain à moudre à ces analyses.
Même Igor Girkine, alias Strelkov, un agent nationaliste russe très actif dans le début de la guerre du Donbass en 2014 et aujourd’hui en prison pour avoir trop critiqué Poutine, même lui avertit d’une attaque sur la Crimée.
Mais pour l’instant, on en est réduit à des hypothèses.
Et il en va de même pour toutes les autres théories concernant les buts de l’incursion ukrainienne
Remonter le moral ukrainien? Affaiblir le moral russe? Déstabiliser Poutine politiquement? Démontrer aux occidentaux la vacuité des lignes rouges russes? Constituer une monnaie d’échange territoriale en vue de futures négociations de paix?
Si un des objectifs était de protéger la région ukrainienne frontalière de Soumy, c’est pour l’instant un échec. Une frappe meurtrière s’est abattue ce matin sur le centre-ville.
Et quels que soient ces objectifs, l’Ukraine doit tenir ses positions nouvellement conquises pour parvenir à un résultat.
Et rester en Russie, ce n’est pas simple. Plus l’Ukraine avance et s’installe, plus elle étire ses lignes de ravitaillement et met sous tension ses capacités de défense aérienne, de défense cyber, de communications, d’évacuations médicales…
Le pari de Kyiv était risqué il y a dix jours, il le reste aujourd’hui.
Mais il a au moins réussi à amender la perception politique et médiatique de la guerre. En cette mi-août, plus personne ne parle d’enlisement.
Merci d’avoir regardé.