LLB: “Les avions seront livrés à l’Ukraine. La seule question, c’est quand ?”
Article publié dans La Libre Belgique, le 30/01/2023
La livraison d’avions de chasse à l’Ukraine ne serait plus un tabou. A Washington, Varsovie, Paris ou Amsterdam, les positions semblent évoluer rapidement, quelques jours à peine après les annonces retentissantes d’envois de chars d’assaut. Pourtant, si plusieurs pays européens avaient bien dépêché des chasseurs soviétiques depuis leurs stocks, les Occidentaux ont longtemps été opposés à l’idée de céder leurs propres engins.
“C’est la morphologie de la ligne de front qui a changé”, explique Xavier Tytelman, ancien navigateur aérien de la marine française et expert militaire. “Les Russes ont profité de la météo hivernale et de la pause dans les offensives ukrainiennes pour fortifier leurs positions, pour concentrer les troupes fraîchement mobilisées dans un réseau de tranchées et de bunkers. Des chasseurs peuvent être plus efficaces que l’artillerie car ils sont en mesure de larguer des charges de plusieurs centaines de kilos, de percer les lignes et de permettre aux chars d’avancer.”
Selon l’expert, les Ukrainiens sont parvenus à moderniser leurs appareils soviétiques pour porter des missiles occidentaux sol-air ou encore des air-sol américains AGM-88. “Mais si les Occidentaux veulent sérieusement aider l’Ukraine à reconquérir son territoire, autant livrer des avions adaptés: les Ukrainiens perdraient moins de temps à faire du bricolage.” D’autant que les F-16 américains ou les Mirage français apporteraient avec eux “leur écosystème: l’équipement électronique, le largage de bombe à grande distance… Le saut capacitaire serait important pour les Ukrainiens.”
La manoeuvre présente des risques, toutefois. Pas tant en termes d’une éventuelle “escalade”, en fait un élément de langage de la propagande du Kremlin, mais au vu de la situation dans les airs. Sans disposer de sources fiables, on estime que plusieurs centaines de chasseurs ukrainiens et russes ont été abattus au-dessus de l’Ukraine depuis le 24 février. “C’est très dangereux de voler, c’est sûr. Mais chaque jour, des avions et hélicoptères mènent des opérations à très basse altitude. S’ils étaient mieux équipés, ils pourraient faire plus de différence.”
Selon Xavier Tytelman, la question serait quasiment tranchée en haut-lieu: “le paquet d’aide américain décidé en juillet prévoyait déjà la formation de pilotes.” Il est donc possible que certains aviateurs ukrainiens soient entraînés depuis six mois déjà, et opérationnels au printemps. “Les avions seront livrés, comme les chars avant eux. Les Occidentaux ont compris que leur intérêt est dans la victoire de l’Ukraine. La question est de savoir quand. Tout retard dans ces débats politiques équivaut à la prolongation de la guerre et à des pertes lourdes - d’un côté comme de l’autre.”