Ouest France: Un parc de la corruption à Kiev – pour les non-corrompus
Reportage publié dans Ouest France, le 05/06/2018
A l’invitation d’un jeune volontaire, on entre dans un pavillon sombre, pour s’allonger directement sur un lit à baldaquin. Au plafond, un montage dépeint “les pires cauchemars du corrompu”. Révolution, misère, assassinat, arrestation, prison… “Sans doute que certains corrompus dorment comme des anges”, commente Iaroslava Gres. “Mais tous ont cette peur intrinsèque de tout perdre du jour au lendemain”.
Ce 1er juin, la jeune femme vient d’inaugurer le “Parc de la Corruption”, une installation de 9 pavillons gonflables, au coeur du jardin botanique à Kiev. La capitale d’un des pays les plus pauvres d’Europe est célèbre pour ses étalages de richesses plus ou moins bien acquises: montres de luxe, bijoux, restaurants chics et villas, montagnes de liquide, et voitures rutilantes. Au coeur du Parc, une BMW Series 6 étincelante. Elle a été confisquée à une personnalité récemment arrêtée. “Cette exposition permet de comprendre le manque à gagner pour chaque citoyen”, explique Serhiy Leshchenko, ancien journaliste d’investigation et député d’opposition. “Cette voiture là-bas, c’est de l’argent pris de nos poches à chacun”. En 2017, Transparency International classait l’Ukraine 130 sur 180 pays en termes de corruption.
Dans un autre pavillon, un Casque 3D nous envoie dans le bureau d’un fonctionnaire corrompu, où l’on peut mener soit-même sa perquisition. Un autre pavillon présente une exposition sur les pratiques de corruption à travers le monde. Un troisième offre la possibilité de peindre un tableau géant, en y incluant sa vision d’une Ukraine idéale, sans corruption.
“On parle toujours de corruption en Ukraine. Nous voulons illustrer ce phénomène d’une manière forte, mais aussi expliquer le travail des détectives et militants anti-corruption”, poursuit Iaroslava Gres. L’exposition, co-financée par l’Union européenne, vise aussi à soutenir les nouvelles institutions de lutte anti-corruption, et pousser pour la création d’une très attendue Haute Cour anti-Corruption.
“Il faut que l’on se concentre sur les jeunes en particulier”, poursuit l’ambassadeur de l’UE Hugues Mingarelli. “Pour leur expliquer les mécanismes de la corruption, mais aussi les moyens de la imiter”. A l’entrée du parc, la statue gonflable d’un corrompu de 6 mètres attend d’être abattue. A condition que les visiteurs s’entraident pour la faire tomber.