Une route? Un gazoduc? Une station nucléaire? de nouveaux territoires? Une diversion? ou simplement l’humiliation de Poutine?

Que recherche l’Ukraine dans son incursion dans la région de Koursk?

Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette nouvelle vidéo dans laquelle on tente de comprendre les buts de l’opération militaire sur le territoire russe.

Cela fait environ 4 jours que les informations sur l’incursion militaire ukrainienne dans la région de Koursk ont filtré sur les réseaux sociaux. Beaucoup d’images, très confuses, des informations partielles, peu de commentaires de Kyiv et des réactions contradictoires et visiblement un peu paniquées de Moscou.

On parle visiblement de 4 brigades ukrainiennes, ce qui représenterait quelques milliers d’hommes qui ont fait face à des unités russes mal préparées et mal équipées.

Les pertes russes sont impressionnantes. Evidemment les pertes territoriales, car les Ukrainiens ont pris plus de terrain en 4 jours que les Russes en deux mois au nord de Kharkiv.

Les pertes matérielles aussi. On voit des chars d’assaut, une colonne militaire bruler.

Un hélicoptère russe aurait été abattu par un drone, ce qui est encore une étape de plus dans les innovations technologiques que produisent cette guerre.

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Mais au-delà de ces hauts faits d’armes et ce coup d’éclat, que recherche l’Ukraine?

La région est une zone rurale. La ville se Sudja qui est contrôlée par les forces armées ukrainiennes compte à peine 6000 habitants.

Mais cette ville abrite aussi un poste de comptage du dernier gazoduc entre la Russie et l’Europe qui traverse l’Ukraine. Gazprom a déjà annoncé que le transit a baissé de 12%, tandis que le prix du gaz a flambé sur les marchés financiers.

Il y a aussi un réseau routier et une voie de chemin de fer qui traversent la région. Si l’Ukraine s’en empare, cela peut compliquer le dispositif militaire russe.

A 60 kilomètres de la frontière, il y a la centrale nucléaire de Koursk. On voit beaucoup de spéculation sur un éventuel projet de capture de cette centrale afin d’en faire une monnaie d’échange pour récupérer la centrale de Zaporijia. Vu la distance, cela paraît fantaisiste à cette heure.

Et l’Ukraine mène-t-elle cette incursion pour rester en Russie?

Dans un des rares commentaires officiels ukrainiens, Un conseiller de la présidence, Mikhaylo Podolyak, a estimé que cette incursion pouvait renforcer la position de Kyiv dans d’éventuelles négociations de paix.

Et c’est vrai que si le Kremlin veut geler les lignes de front, il sera bien embêté de laisser une partie de son territoire sous contrôle ukrainien.

Mais encore faut-il que l’Ukraine veuille - et puisse - conserver ses positions. A l’heure actuelle, on ne sait rien des intentions de l’armée.

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L’incursion a en tous les cas déstabilisé le Kremlin et forcé Poutine à déployer des mesures d’urgence.

Visiblement pris de court, lui et son commandement militaire sont très critiqués par les blogueurs russes et allègrement moqué sur les réseaux sociaux ukrainiens et occidentaux.

Le compte satirique darth Putin sur Twitter plaisante ainsi: “la Russie a pris l’habitude d’envahir des pays juste après les jeux olympiques, comme la Géorgie en 2008 et la Crimée ukrainienne en 2014. Voilà qu’elle se fait envahir pendant des jeux olympiques!”

Ce trolling, et la guerre psychologique qui l’accompagne, c’est aussi un objectif potentiel de l’Ukraine.

Des messages s’adressent aux populations civiles russes, laissées à elles-mêmes et sous le choc, pour les avertir que le Kremlin ne les aidera pas. Et de fait, les évacuations de civils ont été surtout des auto-évacuations.

Ces populations russes qui s’étonnent, sur les réseaux sociaux, que les soldats ukrianiens ne se livrent pas à des pillages. On se rappelle des soldats russes volant des frigos ou des cuvettes de toilette… Apparemment les soldats ukrainiens ne font pas cela, ou en tout cas pas maintenant.

Miner le moral russe et en parallèle, booster le moral ukrainien. C’est sans doute aussi un des objectifs. L’Ukraine est allée d’une mauvaise nouvelle à une autre ces derniers temps. La Russie grignote du terrain tous les jours dans l’est. Chasiv Yar, New York, Toretsk…

Relancer une offensive, qui plus est plus impressionnante que celle de l’an dernier, met du baume au coeur.

Le raid qui vient tout juste d’être mené sur la pointe de Kinburn, au sud de Kherson, est aussi une nouvelle bien accueillie en Ukraine: des commandos d’élite y ont détruit du matériel et des positions russes, mais ne sont pas restés sur place.

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Concernant Koursk, la position de la Russie s’en trouve une nouvelle fois affaiblie. La soi-disant deuxième armée du monde ne peut même pas protéger ses propres frontières.

Elle fait preuve, encore une fois, de sa rigidité et de son incapacité à réagir rapidement à un évènement qui n’a pas été anticipé.

C’est aussi une faillite du renseignement militaire…

Et l’incursion ukrainienne n’a provoqué aucune riposte nucléaire tactique, ce qui enfonce un coin, une énième fois, dans l’argument fallacieux qu’agite le Kremlin à chaque fois, comme un chiffon rouge pour faire peur aux occidentaux. C’est une menace de moins en moins crédible.

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Toutes ces pistes sur les potentiels buts que recherche l’Ukraine avec cette opération se retrouvent dans un message plus global: depuis 2022, ce pays en infériorité économique, militaire, démographique face à la Russie nous a surpris plus d’une fois et a mis son agresseur en difficulté plus d’une fois.

Mais cela ne nous permet quand même pas de déterminer quel est l’objectif final de cette opération.

Clairement, l’Ukraine ne va pas gagner la guerre à Koursk.

Elle risque de sévères pertes humaines et matérielles.

Cela ne change pas, pour l’instant, la situation sur le front de l’est.

Et si elle reste sur ses positions, l’Ukraine prend le risque d’un changement de paradigme dans la perception de cette guerre. Elle deviendrait une puissance occupante.

Un qualificatif peu flatteur, qui s’ajouterait aux soupçons du soutien ukrainien à des groupes rebelles et terroristes dans le Sahel, mis en lumière par l’attaque contre Wagner dans le nord du Mali il y a une dizaine de jours.

Le fait que l’Ukraine est une victime agressée, luttant pour sa survie en tant qu’Etat indépendant, restera vrai. Mais il ne sera plus que l’une des facettes de la perception du pays.

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On est vraiment à l’état de spéculations. Et encore une fois, tout dépend des évolutions sur le terrain: si les Ukrainiens continuent à avancer, vers où, avec quels résultats, s’ils restent ou s’ils repartent de leur côté de la frontière…

On va continuer à suivre cela.

Mais pour l’instant, n’hésitez pas à me dire ce que vous pensez des objectifs de cette opération dans les commentaires, je suis intéressé par vos idées.

Et merci d’avoir regardé jusqu’au bout, je file et je vous retrouve demain!

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