RFI: Epidémie mortelle de rougeole en Ukraine
Reportage diffusé dans les journaux de la matinale, sur RFI, le 28/01/2018
L’année commence en Ukraine avec une épidémie de rougeole. Plus de 6500 cas ont été déclarés ces six derniers mois. En janvier, ils ont causé la mort de 5 personnes, dont 3 enfants. Selon le ministère de la santé, la contagion est stabilisée. Mais l’Ukraine est un des pays au monde avec le plus faible taux de vaccination. Et sans une campagne nationale, le risque demeure. A Kiev, Sébastien Gobert
Les hôpitaux ukrainiens ne désemplissent pas de parents inquiets. Alarmés par les récentes nouvelles de rougeole mortelle, et par une intense campagne médiatique, ils cherchent à faire vacciner leurs enfants en urgence. Le taux de vaccination des moins de un an ne dépasse pas 42%. Une chiffre ahurissant pour la ministre de la santé, Ulyana Suprun, sur le plateau de la 5ème chaîne.
Ulyana Suprun: En 2009, il y a eu ce scandale: l’Etat avait acheté des vaccins de mauvaise qualité. Les parents se méfient depuis, et refusent de vacciner leur enfants. Mais depuis 2015, nous achetons nos vaccins par le biais de l’Unicef. L’organisation garantit la qualité des doses.
Ce n’est pas la première fois que l’Ukraine fait face à ce genre de situation. En hiver 2015, c’était la polio, pourtant éradiquée en Europe, qui était réapparue dans le pays. Chaque hiver, des écoles refusent des élèves ou ferment simplement leurs portes pendant des semaines. Beaucoup d’établissements s’en accommodent, étant donné qu’ils ne peuvent payer leurs frais de chauffage. L’économie réalisée par la quarantaine n’est pas négligeable.
Malgré ces situations d’urgence, et le risque général sur la santé publique, les campagnes anti-vaccins alimentent la méfiance des parents. Et la corruption, toujours endémique dans le pays, peut leur permettre d’acheter un certificat de vaccination auprès d’un docteur. Cela complique le suivi médical, comme l’explique Lioudmila Zakordonets, médecin à Kiev.
Lioudmila Zakordonets: Leurs carnets de santé indiquent qu’ils ont été vaccinés. Est-ce vrai ou non, on ne peut pas le vérifier.
Sous la houlette énergique d’Ulyana Suprun, une Ukrainienne de la diaspora, venue des Etat-Unis, l’Etat ukrainien réagit avec vigueur. L’action publique se heurte néanmoins à d’autres problèmes systémiques. Une réforme structurelle du ministère de la santé vient tout juste d’être adoptée, et n’a pas encore porté ses fruits. Le manque de statistiques fiables et de mesures de précautions, ou encore les dysfonctionnements d’un système centralisé à outrance, restent problématiques. La région de Transcarpatie a ainsi le plus faible taux de vaccination du pays – c’est là que les cas de polio avaient été détectés en hiver 2015. Kiev n’y avait pas pour autant prévu le risque d’une nouvelle contagion. En janvier 2018, le ministère a du y dépêcher, après les suppliques insistantes du gouverneur de région Hennadiy Moskal, 10.000 vaccins anti-rougeole. La Hongrie a d’ores et déjà annoncé qu’elle était prête à y acheminer des doses complémentaires. Reste à savoir si, une fois le danger de l’épidémie de rougeole passé, le taux de vaccination contre d’autres maladies augmentera, lui aussi.