RFI: Le New York du Donbass, au théâtre

Reportage diffusé dans l’émission Accents d’Europe, sur RFI, le 30/01/2018

On avait parlé il y a peu, sur Accents d’Europe, de cette petite localité de l’Ukraine de l’est, qui souhaite retrouver son nom historique de New York. La ville avait été fondée par des colons allemands au 18ème siècle. Personne ne peut expliquer d’où vient ce nom historique, mais la municipalité en joue pour tenter de donner un second souffle à cette ville en situation difficile. 13 jeunes de New York sont montés à Kiev. Dans une pièce de théâtre inédite, ils parlent de leurs vies, de leurs épreuves, de leurs espoirs. Sébastien Gobert nous en fait la revue

Un enfant déguisé en petit lutin à fourrure danse autour d’un adolescent en train d’enfiler un vêtement de femme. Rejoints par d’autres figurants, ils simulent une parade déjantée de la Malanka, la  fête traditionnelle qui marque le nouvel an orthodoxe

Cette scène les jeunes acteurs l’ont déjà jouée dans leur ville de Novhorodske, dans le Donbass, au plus fort des bombardements de l’hiver 2014-15.

La pièce de théâtre “Lettres à un ami inconnu de New York” est un spectacle  qui entraine le public à travers les vestiges sombres de la guerre . Là, on voit un salon aux murs défoncés par un bombardement. Ici, c’est une cave transformée en abri anti-bombes. Là encore, une galerie  de mine de charbon, un des symboles du Donbass, ce bassin minier et industriel en guerre depuis 2014.

Angelina Pilipenko est la directrice de la maison de la culture de Novhorodske. Elle accompagne les jeunes dans leur parcours personnel et artistique.

Angelika Pilipenko: Vous savez que nous vivons dans la zone grise, la zone de guerre. Et les enfants racontent leur vie quotidienne. Leurs émotions, leurs inquiétudes, leur histoires. Comment ils vivaient avant la guerre, comment ils vivent depuis le début du conflit. Ce ne sont pas des histoires romancées, ou dramatisées, il s’agit de leurs histoires personnelles, comment ils survivent à la situation. 

“Chez nous, les gens sont plus solides que l’acier”, assure un dicton du Donbass. Pour ces jeunes, il a fallu très tôt confronter le proverbe à la réalité. Dans leurs récits, pas de politique, pas de rancoeur, pas de nationalisme revanchard. Ils se contentent d’expliquer, avec leurs mots, comment leur enfance a été brusquement interrompue; et l’affection qu’ils éprouvent pour leurs amis, leur communauté, et leur ville. Novhorodske, anciennement nommée New York.

Le nom “New York” est une source de fierté pour ces jeunes. Une scène décrit l’histoire atypique de la ville, de ses fondateurs allemands et de ses industries de pointe. Une autre scène de cabaret reflète l’optimisme de ces enfants et adolescents, enthousiasmés par la célèbre chanson de Frank Sinatra.

Mais quand ils reviendront chez eux, dans le Donbass, les seules lumières qui s’offriront à eux , seront celles de Gorlovka, un bastion des séparatistes pro-russes, de l’autre côté de la ligne de front. De quoi s’interroger sur le futur de ces jeunes ukrainiens. Angelika Pilipenko

Angelika Pilipenko: Pour les enfants? Je ne vois pas de perspectives pour eux dans notre région. Tous les jeunes partent, pour les études ou pour le travail. Il y a un futur en Ukraine, mais pas chez nous pour l’instant… 

La pièce de théâtre prépare les acteurs à un avenir imprévisible. L’avenir de ces enfants peut être ici ou ailleurs, l’important est qu’ils aient compris leur passé, et pansé leurs blessures. Comme le dit la chanson: “New York, si je peux réussir ici, je peux réussir n’importe où”.

Ecouter le reportage ici

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