RFI: L’onde de choc de la mort d’une militante anti-corruption ukrainienne face à l’autisme du pouvoir

Papier diffusé dans les journaux de la matinale, sur RFI, le 07/11/2018

Le meurtre à l‘acide d’une militante anti-corruption en Ukraine soulève une vague d’émotion très forte. Katerina Handziouk avait été attaquée le 31 juillet et avait subi plus de dix interventions chirurgicales. Elle a succombé dimanche 4 novembre d’un accident vasculaire. Elle doit être enterrée aujourd’hui, 7 novembre. De nombreuses manifestations se sont tenues à travers tout le pays pour lui rendre hommage, mais aussi pour exiger des réponses de la part des autorités. Depuis Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, Sébastien Gobert

“Nous avons peut-être sous-estimé la gravité de la situation”. La célèbre journaliste Nataliya Gumeniuk se fait l’écho de l’onde de choc qui a secoué les médias et la société civile. Depuis le début de l’année, plus de 50 attaques contre des militants civiques et des défenseurs des droits de l’homme ont été recensées en Ukraine. Soit le fait de représentants du crime organisé, de nationalistes, ou de personnalités corrompues proches du pouvoir. La plupart des agressions, mortelles pour certaines d’entre elles, sont restées impunies. La société civile a certes organisé quelques protestations pour demander une action des autorités. Mais la mobilisation est restée modeste en période électorale. La mort de Katerina Handziouk envoie un électrochoc qui a forcé, enfin, le président Petro Porochenko à demander publiquement une enquête effective. Des personnalités étrangères, comme Angela Merkel, se sont aussi inquiétées de la situation. Les autorités envoient néanmoins des signaux peu rassurants. Le procureur général Iouriy Loutsenko s’est servi du drame pour mener une opération de communication grossière. Il a annoncé sa démission, en sachant bien qu’elle ne serait pas acceptée par le Parlement. Dans le même temps, le ministre de l’intérieur Arsen Avakov est resté silencieux sur l’action de sa police. Selon les enquêteurs, 12 personnes sont soupçonnées d’avoir commandité le meurtre de Katerina Handziouk, et il faut attendre que la justice suive son cours. Selon des proches de Katerina Handziouk et des représentants de la société civile, les coupables sont en fait bien identifiés, mais ne seront pas inquiétés car ils sont associés au pouvoir. 5 ans après le début de la révolution de la Dignité, l’affaire pourrait empoisonner la campagne de réélection du président Porochenko. La mobilisation de la société civile pose néanmoins question. “Les Ukrainiens sont habitués à ces horreurs”, écrit la journaliste d’investigation Kristina Berdynskykh. “Il est difficile de savoir combien de temps ils vont rester indignés”.

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