RFI: Pourquoi la Crimée serait-elle à vendre?
Papier diffusé dans les éditions de la matinale, sur RFI, le 11/10/2017
Réactions outragées en Ukraine, après une déclaration du président tchèque Milos Zeman au Conseil de l’Europe. Celui-ci a considéré l’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014 comme un “fait accompli”. Il a proposé que l’Ukraine l’accepte en échange de compensations financières, ou d’hydrocarbures. Les réactions depuis Kiev avec Sébastien Gobert
“La Crimée n’est pas à vendre”. La réaction ukrainienne a été immédiate, et très vive. “Nous ne vendons ni territoire, ni notre population, ni notre souveraineté”, a lancé Iryna Herashenko, députée impliquée dans les négociations de paix. “Il est très triste d’entendre ce genre de propos d’un président dont le pays a tant souffert de l’Accord de Munich de 1938”, a complété le ministère des affaires étrangères en faisant référence au dépeçage de la Tchécoslovaquie par Hitler. La comparaison entre l’Allemagne nazie et la Russie de Vladimir Poutine est très populaire à Kiev, même si elle n’est pas justifiée historiquement. A Prague, le gouvernement s’est empressé de se dissocier de la sortie présidentielle: les propos de Milos Zeman, connu pour ses connections avec le Kremlin, n’engagent que lui.
Si elle est passée au second plan par rapport à la guerre dans l’est de l’Ukraine, la question de la Crimée reste sensible. L’exécutif à Kiev assure de sa légitimité à revendiquer la péninsule, et promet son retour dans le giron national. De concert avec des diplomates et des militants des droits de l’homme, ils dénoncent régulièrement des arrestations arbitraires et procès politiques contre les opposants au régime russe. Une nouvelle vague d’arrestations a visé plusieurs Tatars de Crimée, début octobre.
A la différence des républiques auto-proclamées de Donetsk et Louhansk, Moscou considère la Crimée comme partie intégrante de la Fédération de Russie. Le Kremlin travaille à relier la péninsule par un pont géant, et a établi une forte présence militaire sur place. Vladimir Poutine a fait de l’annexion de la Crimée une victoire personnelle, qu’il ne semble pas être prêt à remettre en cause. Le premier tour de l’élection présidentielle 2018 se tiendra d’ailleurs le 18 mars, jour anniversaire de la déclaration de “rattachement”. Un symbole fort, dans la perspective de sa réélection.
Ce que le Kremlin cherche avant tout depuis 2014, c’est de faire lever une série de sanctions occidentales imposées après l’annexion. Le ministre ukrainien des affaires étrangères Pavlo Klimkine, considère donc que le président tchèque ne faisait que relayer une proposition russe de sortie de crise. “Dans un théâtre, il y a des acteurs et des metteurs en scène. Ceux qui l’ont invité à la tribune (du Conseil de l’Europe, ndrl) savaient ce qu’il allait dire. C’est contre eux que nous devons nous battre”, a-t-il synthétisé sur un tweet. Mais si l’Ukraine ne veut pas d’argent, elle n’a pas pour autant de plan d’action, ou de calendrier, pour récupérer la Crimée. Les perspectives d’une résolution négociée de ce conflit restent donc hypothétiques.