Une victoire à la Pyhrrus pour Maia Sandu?
Comme prévu, Maia Sandu est arrivée en tête du premier tour de l’élection présidentielle en Moldavie
Et comme elle l’espérait, elle a validé son référendum pour inscrire le processus d’intégration européenne dans la Constitution.
Mais pourtant, rien ne s’est passé comme prévu. Les résultats sont très décevants pour Maia Sandu et son camp,
Le référendum n’est validé que par une avance de quelques milliers de voix.
Ce qui fait que les commentateurs parlent de douche froide
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où je vais expliquer les raisons de cette douche froide, et ses conséquences pour la vie politique moldave et le processus d’intégration européenne
Donc hier, dimanche 20 octobre, se sont tenues des élections en Moldavie. Premier tour de l’élection présidentielle et un référendum pour ou contre l’inscription du processus d’intégration européenne dans la constitution.
Donc d’abord, la participation: elle a atteint 51,68%, ce qui fait plus de 1,5 millions d’électeurs.
Ce qui a suffi pour dépasser les 33% de participation nécessaires pour valider le référendum,
Mais c’est quand même très peu, 51%, par rapport aux enjeux de ces scrutins dans le contexte de la guerre dans l’Ukraine voisine.
A la présidentielle, il y avait 11 candidats, Maia Sandu était favorite dans les sondages.
Et de fait elle a obtenu plus de 42% des voix.
Mais c’est grâce à la diaspora. Hier soir, au décompte des bureaux de vote en Moldavie, elle n’avait que 36% des voix
Pendant la nuit, les bulletins des bureaux de vote de l’étranger ont été dépouillés et ça a porté son score à plus de 42%
Même chose pour le référendum: hier soir vers 23h, heure locale, le non l’emportait à environ 55% dans les bureaux de vote de Moldavie
ce matin, après le dépouillement des votes de l’étranger, on s’est retrouvés exactement à 50/50
Et au final, le Oui l’emporte avec 50,40% environ, soit une avance d’environ 10.000 voix sur un total de plus de 1,5 millions d’électeurs.
Les Moldaves de l’étranger confirment leur poids fondamental sur la politique du pays
Et on voit de très fortes dissensions régionales.
La municipalité de Chisinau, la capitale a soutenu Sandu et le référendum
Mais à part Chisinau, il n’y a que 6 districts et la diaspora où le OUI arrive en tête.
La Gagaouzie a voté à 95% contre le référendum
Ce qui est intéressant d’ailleurs parce que c’est bien plus radical qu’en Transnistrie, pourtant coupée du pays depuis 1992 et censée être très pro-russe, où seulement 62% des électeurs ont voté pour le NON.
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Ce qui fait que Maia Sandu est loin de pouvoir célébrer quoi que ce soit.
Elle arrive en tête et le référendum qu’elle a soumis aux Moldaves est validé,
Mais ses scores sont vraiment très faibles, surtout celui du référendum.
La question est de savoir s’il va effectivement être validé ou si l’opposition va demander et obtenir la tenue d’un nouveau scrutin.
En tous les cas ces résultats assombrissent et compliquent les perspectives du gouvernement
Je vais y revenir
D’abord je veux m’arrêter sur les raisons de ces résultats.
En premier, des sondages qui se lourdement trompés
Par exemple on donnait presque Maia Sandu gagnante au premier tour et le OUI au référendum à 60%.
Les diversités régionales n’ont pas été bien prises en compte, pas plus que la mobilisation de la diaspora
Et les manipulations de l’opposition ont été largement sous-estimées.
La campagne a été marquée par des ingérences étrangères très fortes
Les Européens ont été très actifs dans la campagne, en multipliant les promesses d’assistance financière et de soutien en matière énergétique
Mais ils ne se sont pas livrés aux fraudes du camp pro-russe, il y a une grosse différence ici.
On a vu ces dernières semaines un gros réseau animé par l’oligarque en exil en Russie Ilian Shor
qui a acheté des votes, répandu de la désinformation à tout va, corrompu des représentants de commissions électorales.
Hier, des violations du code électoral ont été reportées.
Après, on ne peut pas expliquer l’entièreté des résultats par les fraudes
La principale raison, c’est la stratégie de Maia Sandu et de son équipe, qui a lié sa réélection au processus d’intégration européenne
Elle aurait pu en tirer un mandat clair pour les années à venir
Mais c’est l’inverse qui s’est produit: les Moldaves qui ne voulaient pas voter pour elle ont aussi voulu la décrédibiliser en votant pour le NON au référendum.
Et maintenant la déconvenue personnelle de Maia Sandu nuit à l’objectif plus général de l’intégration européenne
polarise encore un peu plus les différents camps à travers le pays
conforte la Gagaouzie dans sa position, disons, spéciale
et peut potentiellement compliquer la politique de la Moldavie dans le contexte de la guerre russe en Ukraine.
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C’est donc bel et bien une douche froide et potentiellement une victoire à la Pyrrhus
Alors maintenant, la grande question c’est de savoir si le pouvoir va se contenter des résultats du référendum.
Maia Sandu a déjà dénoncé des fraudes en masse et promis certaines décisions.
Mais si elle annule un référendum qu’elle a gagné, ça sera très difficile de le réorganiser.
Tout aussi urgent, que va-t-il advenir au second tour?
Avec ses 42%, il semble que Maia Sandu est a quasiment épuisé sa réserve de voix.
Alors que son opposant, le socialiste Alexander Stoianoglo, favorable à une politique d’apaisement par rapport à la Russie, peut compter sur les reports de voix d’autres opposants.
Des opposants qui sont de plus encouragés par les résultats.
L’entre-deux tours va donc être très rythmé, en toute logique.
Et tout ça va évidemment peser sur les élections législatives qui doivent se tenir avant juillet 2025.
Des élections qui s’annonçaient déjà difficiles pour le PAS, le parti au pouvoir.
Merci