Zelensky prêt à abandonner des territoires ukrainiens?
Zelensky prêt à abandonner les territoires occupés?
Vous l’avez vu, Volodymyr Zelensky a rencontré Donald Trump à Paris le 7 décembre
en marge de la cérémonie de la réouverture de Notre-Dame.
L’Ukrainien parle d’une rencontre productive
l’Américain estime que Kyiv est prête à faire un deal, à négocier un accord
Mais surtout, ce que l’on voit c’est que personne n’a de solution claire et définitive
et que malgré les assurances de Donald Trump qu’il va arrêter la guerre en 24 heures, tout le monde cherche un modus operandi.
Volodymyr Zelensky en particulier multipliant les ballons d’essai et allant même jusqu’à évoquer une partition temporaire de son pays.
Bonjour à tous, c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où l’on explore ces différentes pistes et ce concept de la “paix par la force” que Volodymyr Zelensky répète sans cesse.
Et comment est-ce que la chute de Bachar el-Assad en Syrie peut influencer cette situation.
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La rencontre entre le président ukrainien et le nouveau Président américain à l’Elysée, on dit qu’elle s’est décidée à la dernière minute,
mais on en a quand même parlé toute la semaine dernière.
et d’ailleurs le fait que Donald Trump portait du bleu et du jaune n’est pas passé inaperçu
ce sont les couleurs du drapeau ukrainien
et cela prouve qu’il avait pris ce costume assez inhabituel pour lui dans sa valise.
En fait, la rencontre fait suite à une visite du chef de cabinet de la Présidence ukrainienne Andriy Yermak aux Etats-Unis
en début de semaine dernière
où il s’est entretenu avec quelques unes des personnalités que Donald Trump a désigné pour des postes à responsabilité
nominations qui donc devraient en toute logique être confirmées en janvier.
Parmi ces figures, on a Keith Kellogg
un général à la retraite qui devrait être le nouveau envoyé spécial de la Maison blanche pour l’Ukraine et la Russie.
Depuis 2022 il a fait une série de déclarations en faveur du soutien à l’Ukraine, il s’est rendu lui-même à Kyiv
encore fin novembre, il estimait que les menaces nucléaires russes n’étaient que du bluff et qu’il fallait au contraire consolider le rapport de force vis-à-vis de Moscou.
C’est ce fameux concept de “la paix par la force, par la puissance”,
un concept de l’ère de Ronald Reagan qui avait consisté à accroître le différentiel de puissance avec l’URSS notamment à travers la guerre des étoiles
afin que Moscou ne puisse plus suivre et soit contrainte de s’ouvrir.
En avril Keith Kellogg a publié un plan sur le site du think tank America first, je vous mets le lien dans la description
et ça donne une idée de sa vision
il s’agirait de geler le conflit, abandonner toute discussion sur une adhésion de l’Ukraine à l’Otan et procéder à une levée partielle des sanctions qui pèsent sur la Russie.
dans le même temps, continuer à soutenir l’Ukraine militairement et financièrement, comme une sorte de garantie de sécurité,
et dans l’idéal amorcer un processus politique.
Si l’Ukraine refuse ce plan, alors les Etats-Unis stopperaient toute aide quasiment du jour au lendemain
et si la Russie refuse ce plan, alors les Etats-Unis doubleraient leur aide à l’Ukraine
et joueraient probablement pour baisser les prix mondiaux des hydrocarbures et nuire aux rentrées d’argent russes.
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Cette perspective n’est pas accueillie avec beaucoup d’enthousiasme en Ukraine
Mais c’est pour l’instant la principale hypothèse de travail sur laquelle on tente d’imaginer l’évolution de la guerre.
D’ores et déjà je rajoute trois bémols
Premièrement, Keith Kellogg ne sera qu’un envoyé spécial, il aura un rôle de conseil et d’influence mais pas de pouvoir de décision.
Et les autres profils de l’administration Trump, que ce soit dans le renseignement, la défense ou la politique étrangère, peuvent voir les choses différemment
Deuxièmement, il est loin d’être sûr que ce plan soit accepté par les Ukrainiens ou les Russes
Un oligarque russe qui a une certaine influence auprès du Kremlin, Konstantin Malofeiev, a tout de suite fait savoir
que Moscou n’accepterait pas d’initier un dialogue avec les Etats-Unis s’il s’agissait seulement de l’Ukraine
Vladimir Poutine voudrait un accord de sécurité globale, qui ré-établisse la Russie comme grande puissance
Bon, ça, après la perte du régime vassal de Bachar el-Assad en Syrie, c’est déjà moins évident pour les Russes.
Troisième bémol, c’est que si ce plan de gel du conflit est appliqué, il ne résoudra rien au fond de cette guerre
Il offrira une prime à l’agresseur,
mais aussi il ne satisfera aucune des parties et vraisemblablement ce sera juste une pause.
En tous les cas, comme je l’ai dit, c’est l’hypothèse de travail principale.
Et on voit que Volodymyr Zelensky s’efforce de naviguer dans cet environnement mouvant.
Il a multiplié les ballons d’essai ces derniers temps
en reconnaissant que son armée n’a pas les moyens de reprendre par la force les territoires occupés
en insinuant qu’un gel du conflit était acceptable pour travailler à des moyens diplomatiques de récupérer ces territoires
en suggérant que l’Ukraine soit placée sous le parapluie de l’Otan mais seulement aux territoires contrôlés par Kyiv
puis en évoquant la piste que l’article 5 ne s’applique pas à l’Ukraine
puis en affirmant que non, seul une adhésion à l’Otan pleine et entière peut garantir la sécurité du pays
plusieurs voix ukrainiennes distillent aussi l’idée que le pays pourrait chercher à se doter de l’arme nucléaire s’il n’obtient pas de garanties de sécurité suffisantes
ça ça ne vient pas de Volodymyr Zelensky directement mais ça fait clairement partie d’un mouvement de communication bien coordonné.
Bref, on voit que ça part dans tous les sens, et que la Présidence ukrainienne
teste à la fois les Américains, ses alliés européens mais aussi et surtout la population ukrainienne
qui devra en dernière instance approuver ou désapprouver un éventuel accord de cessez-le-feu ou de paix.
Donald Trump, c’est pareil, il teste plusieurs pistes,
on sent qu’il est beaucoup moins assuré que sa fameuse déclaration “finir la guerre en 24 heures”,
bon ça c’était assez attendu
mais aussi il multiplie les messages contradictoires
il rencontre Volodymyr Zelensky,
après coup on apprend par l’agence Axios qu’il ne voulait pas de cette rencontre mais que c’est Emmanuel Macron qui l’a convaincu.
Il annonce que l’Ukraine est prête à négocier un deal
et il suggère que l’aide américaine sera à coup sûr réduite après son investiture
Il appelle Vladimir Poutine à saisir l’opportunité d’en finir avec la guerre
tout en appuyant sur sa défaite cuisante en Syrie…
Là aussi ça part dans beaucoup de directions différentes
En tout cas la Syrie est dans tous les esprits
A la fois des Américains dans leur rapport de force avec les Russes
Mais aussi des Ukrainiens qui voient dans la chute de Bach el-Assad
d’abord une défaite du projet de reconstitution d’empire du Kremlin
mais aussi la preuve qu’un conflit peut se résoudre après de nombreuses années de stagnation et d’attrition
C’est peut-être ça que Volodymyr Zelensky a en tête quand il parle de ne plus chercher à reprendre les territoires occupés
ce qui revient à les abandonner, même si c’est de manière temporaire c’est bien de cela qu’il s’agit.
En tous les cas ce qui se dégage de cette séquence de ballons d’essais
c’est que du côté occidental et ukrainien on se dirige vers un gel du conflit
dans quelles conditions et pour combien de temps, ça c’est encore loin d’être défini.
même s’il est clair que sous Trump l’Ukraine ne rejoindra pas l’Otan,
ça au moins ça paraît garanti.
Après beaucoup dépend aussi du côté russe.
la perte de son vassal syrien a écorné le prestige de Vladimir Poutine sur la scène internationale
mais elle ne l’a pas affaibli en Ukraine
Et vu qu’il a tout misé sur l’Ukraine à partir de 2022, il est sans doute d’autant moins prêt à faire des concessions.
Mais il peut être aussi intéressé par un gel du conflit vu que son armée et son économie font aussi face à de sérieuses difficultés.
mais assez probablement, on le répète, cela ne sera qu’une pause…
Merci
https://americafirstpolicy.com/assets/uploads/files/America_First,_Russia,___Ukraine_.pdf