Maïdan, un an après. Quid des réformes?

Séquence "Bonjour l'Europe", diffusée sur RFI, le 21/11/2014

Il y a un an, jour pour jour, le 21 novembre 2013, le gouvernement ukrainien de l’autoritaire président Victor Ianoukovitch annonçait qu’il ne signerait pas un accord d’association ambitieux avec l’Union européenne. En réaction, une poignée de militants civiques ont commencé l’occupation de Maïdan Nezaleznojsti, la place de l’Indépendance à Kiev. Une histoire ukrainienne, loin d’être terminée...
Maïdan Nezalezhnosti, 21/11/2014

On voit que les révolutionnaires ont été dépassés par les événements, et que l’on en est à des milliers de morts dans l’est du pays. Quel est l’état d’esprit qui règne aujourd’hui? Et bien d’après ce que je perçois ici et là, les révolutionnaires ne regrettent rien, et ils seraient prêts à recommencer si nécessaire. Vous vous rappelez que pour les milliers de citoyens qui s’étaient mobilisés à partir du 21 novembre dernier, il s’agissait d’exiger du gouvernement de l’autoritaire Victor Ianoukovitch qu’il honore sa promesse de signer un Accord d’Association avec l’Union Européenne.L’idée, c’était  de faire de l’intégration européenne un outil pour lutter contre une corruption endémique, pour renforcer l’Etat de droit, le respect des droits de l’homme et de la liberté de la presse, pour moderniser une économie moribonde. Parce que dans l’Ukraine du régime policier et kleptomane de la famille de Victor Ianoukovitch, il y avait de moins en moins de perspectives et de libertés.Vous savez, un ami ukrainien m’expliquait il y a plus d’un an qu’une des principales différences entre l’Ukraine et l’Europe, c’est qu’en Europe, on n’a pas peur de demander sa direction dans la rue à un policier. C’est vraiment pour cela que la révolution de l’EuroMaïdan, s’appelle la révolution de la dignité. Evidemment, tout le monde déplore les morts de la révolution à la fin février, et l’engrenage vicieux qui s’est déclenché par après, menant à la perte de la Crimée et à la guerre du Donbass. Mais au moins, pour des millions d’Ukrainiens, le couvercle de la casserole a sauté, il y a un vent de réforme qui souffle, et des véritables perspectives de changement.Mais est-ce qu’un changement est possible en période de guerre? Oui, c’est un gros défi. vous savez, l’Ukraine souffre d’une crise généralisée, au niveau militaire, économique, financière, sociale ou encore énergétique, et les réformes en pâtissent. Réformes économiques? Elles sont timides, paralysées par l’amputation des centres industriels du Donbass. La lutte contre la corruption? Elle est reléguée au second plan, alors que des millions d’Ukrainiens entament l’hiver dans une approche de survie. De même, les oligarques, qui étaient des cibles privilégiées des révolutionnaires, sont ménagés par le gouvernement afin de s’assurer de leur loyauté patriotique. Tout ceux que je rencontre ici admettent que l’agenda révolutionnaire a été phagocyté par la situation, et que le changement est possible, mais il se fait attendre.Quelles sont les priorités pour les mois qui viennent? Le renouvellement des classes dirigeantes d’une part. après les élections législatives de la fin octobre, on attend l‘application d’une loi d’épuration de l’administration. Mais cela ne va pas être une thérapie de choc, le processus va traîner en longueur. Les résultats ne seront visibles qu’en 2017, au plus tôt. Deuxième priorité importante: la réforme du système judiciaire. Mais là-dessus aussi, les changements vont être longs et difficiles. Par exemple, même l’enquête très médiatisée des tueries de Maidan, entre le 18 et le 20 février, piétine. On accuse en particulier le ministre de l’intérieur, Arsen Avakov, d’entraver les investigations.Il est très important de noter que les Ukrainiens ne font pas confiance à leurs dirigeants, et qu’ils les maintiennent sous pression, sous contrôle. La révolution a été conduite par le peuple, pour le peuple si l’on peut dire, et malgré les circonstances dramatiques que l’on connaît, il n’entend pas se la faire voler.

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