RFI: Ukraine, un cessez-le-feu précaire mais politiquement acceptable

Intervention dans la séquence "Appel à Correspondant", le 01/04/2015Place Lénine, Kramatorsk. Le point sur la situation en Ukraine, où les bruits de bottes persévèrent, presque deux mois après les négociations de paix conduites par Angela Merkel et François Hollande à Minsk. La situation est certes plus calme, mais le conflit continue de faire des victimes. dernières en date: au moins un soldat ukrainien et un civil, le 30 mars, il y a deux jours. On serait loin d’un cessez-le-feu qui tient le coup…Oui, c’est ambigu. Les officiels ukrainiens et séparatistes se veulent rassurants, et multiplient les déclarations selon lesquelles le cessez-le-feu est globalement respecté, dans le sens où les duels d’artillerie lourdes, extrêmement ravageurs, n’ont plus lieu. Comme cela est confirmé par les missions d’observation de l’OSCE, l’essentiel des armes lourdes a été retiré de la ligne de front. Mais les deux camps s’accusent toujours de provocations à l’artillerie légère et aux armes de poings.De toutes les manières c’est simple: vous avez mentionné les dernières victimes de combats, qui datent d’il y a tout juste deux jours. Et on déplore une série d’incidents tragiques: le 25 mars, 4 personnes sont mortes quand un bus a roulé sur une mine près de la ville de Gorlovka. La mort continue de frapper même sans manoeuvres militaires, et en fait on sent beaucoup de calcul politique dans l’appréciation de la trêve. Même si elle n’est pas totalement respectée, elle convient à tout le monde, en tout cas pour l’instant.De toutes les manières, c’est le processus politique qui semble bloqué…? Oui exactement, selon les accords de Minsk, le gouvernement de Kiev doit reprendre le paiement des subventions et aides d’Etat aux zones séparatistes: il s’y refuse tant que des élections locales ne s’y sont pas tenus selon la législation ukrainienne. Jusqu’à présent, les dirigeants de Donetsk et Louhansk y opposent un “niet” catégoriqueEn filigrane, il faut surtout comprendre que personne, des deux côtés de la ligne de front, ne croit que ce cessez-le-feu est le bon, notamment parce qu’aucune des parties en présence ne peut se satisfaire du status quo sur le long-terme. Les autorités ukrainiennes dénoncent les arrivées de blindées, d’artillerie, d’hommes depuis la Russie. Les séparatistes et les Russes accusent les forces ukrainiennes de renforcer leurs positions et d’être armés par l’OTAN. Sur ce point là, ils n’ont pas tout à fait tort, puisque plusieurs pays occidentaux offrent assistance et matériel à l’armée ukrainienne. Les médias ukrainiens ont par exemple relayer avec fierté la livraison de véhicules militaires américains il y a deux jours.On le voit, les deux camps utilisent le cessez-le-feu pour consolider leurs forces, et il reste juste à savoir ce qu’ils veulent en faire.mais de toutes les manières, les Ukrainiens ne vivent pas dans un climat de paix…? Oui, la guerre est présente au quotidien, que ce soit dans les médias, les écoles, les associations de volontaires, la conscription, la vie politique… Mais aussi, il ne se passe pas une semaine sans qu’une bombe explose dans une des villes d’Ukraine, principalement les villes de l’est. La plupart des attentats ne font pas de victimes, mais le climat de peur qui en ressort renforce les angoisses sur une possible avancée des forces pro-russes et russes. Sans oublier que le récent scandale lié à l'oligarque Kolomoiskiy, qui est plus ou moins entré en opposition au gouvernement de Kiev, laisse planer le risque de déstabilisation dans sa région de Dnipropetrovsk.Ce n’est pas un secret: les Ukrianiens ne font aucune confiance à la Russie de Vladimir Poutine. Les populations du Donbass n’ont elles aucune confiance en Kiev. Et ainsi de suite; le tout étant instrumentalisé par les discours politiques et médiatiques, il faut comprendre qu’ici, on peut parler de cessez-le-feu presque respecté, mais il en faudra beaucoup plus pour parler de paix, et de paix durable.

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