L'Express: A Kiev, la "décommunisation" commence par le métro

Article publié sur le site de l'Express, le 08/05/2015

Après le vote de lois mémorielles, la municipalité de Kiev fait la chasse aux symboles du communisme dans la ville. Jusqu'à décrocher marteau et faucille des portails du Parlement et du Ministère des Affaires étrangères.

[gallery columns="2" ids="2175,2176"]Les héros du Dniepr ne seront bientôt plus les mêmes. Les fresques qui ornent la station éponyme du métro de Kiev, seront bientôt détruites. Les centaines de milliers de soldats engagés, en 1943, dans la reconquête meurtrière de la rive droite du fleuve contre les occupants nazis, se verront ainsi retirer leur "Ordre de la Gloire", ou tout du moins le médaillon exhibé sur le mur de la station.Les lois mémorielles de "décommunisation" de l'Ukraine, adoptées le 9 avril, n'ont pas encore été promulguées par le Président Petro Porochenko. Mais à travers le pays, les initiatives se multiplient pour imposer des changements radicaux. Ces lois visent notamment à la criminalisation des régimes totalitaires nazi et soviétique, sans établir une quelconque distinction. Pour leur initiateur Volodymyr Vyatrovitch, il s'agit de "reproduire le choc mémoriel connu dans les anciennes républiques populaires d'Europe centrale; et d'en tirer les mêmes gains en termes de démocratisation et d'affranchissement de l'historiographie soviétique".

"Je ne vois pas le mal que cela faisait"

Au Conseil municipal de la capitale, c'est la commission de la culture et du tourisme qui est assurée de faire adopter, le 14 mai prochain, un ordre de nettoyage de neuf stations de métro, afin de "protéger les usagers de l'influence de la propagande totalitaire" soviétique. Il en sera donc bientôt fini des médaillons de la station "Vokzalna" (gare) glorifiant les traditions familiales ukrainiennes, ou encore la "réunion des terres ukrainiennes en 1939", par ailleurs conséquence directe du Pacte Molotov-Ribbentrop. A la station "Palats Oukraina", ce sont les mosaïques sur les sections paysannes et ouvrières de l'Armée rouge qui vont être escamotées. "Ces décorations, j'ai grandi avec, personne n'y prêtait plus attention," commente Dmytro Zagrebelniy, jeune Kievien. "Je ne vois pas le mal que cela faisait..."

Marteau et faucille décrochés

A l'inverse, de nombreux observateurs redoutent un regain de tensions à la suite de ces lois "adoptées sans aucun débat académique, citoyen ou même juridique", comme le dénonce le chercheur Anton Shekhovtsov. "Ces lois ne peuvent contribuer à la consolidation d'une nation ukrainienne civique républicaine". Selon le chercheur, le risque est réel d'engendrer de nouvelles frustrations déstabilisatrices parmi les populations de l'est.Pour l'heure, la municipalité de Kiev a fort à faire. L'idéologie soviétique s'est encastrée dans les plus petits détails de l'architecture d'une ville largement reconstruite après 1945: façades, passages souterrains, ou encore éclairage public. Marteau et faucille ont été récemment décrochés des portails du Parlement et du Ministère des Affaires étrangères, où ils ont jeté pendant longtemps une ombre sur la politique de l'Ukraine indépendante. Les défis logistiques sont néanmoins de taille: le buste majestueux de Lénine qui dominait les quais de la station de métro "Tetralna" pesant six tonnes, il a juste été recouvert par un décor de salle d'opéra en trompe l'oeil. De même, nul ne sait que faire de la statue "Oukraina Mat'". Sur son bouclier, les insignes soviétiques dominent le Dniepr, du haut des 62 mètres du monument.

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