La Tribune de Genève: L'extrême Svoboda surfe sur la "trahison" de Kiev

Article publié dans La Tribune de Genève, le 14/09/2015Ils l’appellent une “zrada” (trahison). Pour le parti d’extrême-droite Svoboda (Liberté) et de nombreux mouvements nationalistes, le projet de décentralisation adopté en 1ère lecture par la Verkhovna Rada (Parlement) le 31 août serait la “fin de l’indépendance de l’Ukraine” et une “capitulation face au Kremlin”. Le projet pourrait accorder, à terme, une autonomie des territoires sous contrôle des séparatistes pro-russes, au sein d’une Ukraine unie.
Le 31 août, Oleh Tyahnybok, chef de Svoboda, ancien dirigeant du Parti National-Socialiste d’Ukraine, était bien visible sur une scène dressée devant le Parlement, encourageant ses militants à prendre le bâtiment par la force. Bilan: trois policiers morts, plus de 140 blessés, et des condamnations généralisées mais peu suivies d’effets.Arsen Avakov a rapidement dénoncé Svoboda comme “le parti du terrorisme”, coupable d’un “crime, plutôt que d’une position politique.” La police a procédé à une trentaine d’arrestations, et a récemment placé en détention un des dirigeants de Svoboda, Iouriy Sirotiouk, pour 60 jours. Mais Oleh Tyahnybok, a lui porté plainte pour “diffamation”, et parvient à faire retarder ses interrogatoires. Une nouvelle session doit se tenir le 14 septembre, à Kiev.Parmi les milieux nationalistes, les critiques se déchaînent sur “une persécution politique organisée par le tandem Porochenko-Iatseniouk. Ceux-ci souhaiteraient se “débarrasser des forces vives de la défense nationale pour mieux vendre le pays aux Russes,” estime Andriy Ilienko, député de Svoboda.Dmytro Iarosh, chef du mouvement ultra-nationaliste Praviy Sektor, appelle lui à “surmonter la fragmentation du mouvement nationaliste. l’unité est la seule façon de stopper la répression engagée par le gouvernement.” Les quelques arrestations de ces derniers jours tranchent effectivement avec l’impunité totale qui avait bénéficié à Praviy Sektor après une fusillade meurtrière en juillet, dans l’ouest de l’Ukraine.Mais en lieu et place d’une persécution généralisée, “le gouvernement critique aujourd’hui Svoboda comme une force politique irresponsable, et non pas comme une idéologie dangereuse,” analyse Volodymyr Ishchenko, vice-directeur du Centre pour les Recherches sociales et du travail. “Il est peu probable que Svoboda, ou ses groupes paramilitaires, soient punis.”Engagée dans la défense des droits de l’homme, Halyna Coynash va plus loin: “l’unité relative affichée sur le Maïdan entre différentes forces politiques, de même que l’engagement de militants d’extrême-droite comme volontaires contre la guerre non-déclarée de la Russie dans le Donbass; tout cela a fait que personne ne se risque à condamner ces organisations extrémistes.”Tetiana Mazur, directrice de l’ONG Amnesty International en Ukraine, dénonce un “climat d’impunité qui règne en Ukraine, qui envoie le message que la violence est tolérée.” Une observation confirmée par le chercheur Anton Shekhovtsov: “La théorie de la “zrada” est largement partagée dans l’opinion publique, bien au-delà de l’extrême-droite. Ces violences ont montré que de nombreux individus, pas forcément ultra-nationalistes, sont prêts à prendre des mesures radicales contre le gouvernement.”Alors que les Occidentaux se félicitent de “progrès” dans les négociations sur la décentralisation et l’organisation d’élections locales en territoires séparatistes d’ici la fin de l’année, Vladimir Poutine demande lui d’aller plus loin, et d’adopter un “statut spécial” pour ces territoires. De quoi attiser de nombreuses tensions en Ukraine-même, que le gouvernement ukrainien ne semble pas prêt à contenir.
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