RFI: Procession religieuse à haut risque en Ukraine

Intervention dans la séquence "Bonjour l'Europe", sur RFI, le 26/07/2016Une procession religieuse à haut risque en Ukraine. Cela fait deux semaines que deux colonnes de fidèles chrétiens orthodoxes du patriarcat de Moscou marchent de l’ouest et de l’est de l’Ukraine vers Kiev. Ils y arrivent aujourd’hui, pour célébrer demain, le 27 juillet, la date anniversaire de la christianisation de Kiev. Une fête religieuse qui a lieu chaque année, mais qui prend, aujourd’hui, une dimension très polémique, voire dangereuse. IMG_1821Sébastien, pourquoi ces processions? Avant tout, c’est une question de symbole. En Ukraine, le patriarcat orthodoxe de Moscou a autorité sur trois monastères qui sont consacrés comme lieux de pèlerinage, ce que l’on appelle des Lavra en russe et ukrainien. Un à l’ouest du pays, Potchaiv. Un à l’est, Sviatogorsk. Les deux colonnes en sont parties pour marcher vers le centre du pays, vers Kiev, où se trouve le troisième monastère, la Lavra de Pechersk.On parle ici d’hommes, femmes, enfants, personnes âgées, qui ont suivi des groupes de prêtres pendant plus de deux semaines. Ils sont logés et nourris dans des églises sur la route. Les images sont impressionantes, de ces centaines de personnes avançant dans la chaleur aride de juillet. Ils répètent à tue-tête des chants religieux, et poussent, pour certains, les curieux sur le bord de la route à s’agenouiller devant leurs icônes.Seulement voilà, ces processions sont plus que des pèlerinages de croyants. Ce sont aussi des manifestations politiques. Le patriarcat de Moscou accuse les autorités de Kiev d’entretenir le conflit dans l’est du pays et entend faire de ces processions un appel à la paix. Il s’agit aussi de demander à renouer des relations amicales entre l’Ukraine et la Russie.Et c’est ça qui crée des tensions…? Oui, et en premier lieu, le fait qu’il s’agisse du patriarcat de Moscou. L’église orthodoxe est intimement liée au pouvoir politique russe, et donc toute initiative de l’église en Ukraine est perçue par beaucoup comme une manoeuvre du Kremlin, et on redoute des provocations pendant la célébration du 27 juillet.Les mouvances nationalistes ukrainiennes se sont emparées de l’affaire, et ont tenté d’établir des barrages aux entrées de Kiev. Les autorités les en ont empêché, mais les nationalistes ont bien prévenu: au moindre débordement, ils se sentiront autorisés à intervenir. A moins, bien sûr, que ce soient les nationalistes eux-mêmes qui déclenchent les hostilités, ce qui est tout à fait possible. Hier aux abords de Kiev, on a déjà assisté à quelques tensions, notamment des lancers d’oeufs sur les pèlerins.Pour l’instant, rien de grave, mais on prévoit qu’aujourd’hui et demain, il pourrait y avoir entre 10000 et 20000 personnes qui prendraient part aux célébrations religieuses. Les autorités ont donc annoncé un dispositif de sécurité exceptionnel, avec plus de 4500 policiers mobilisés.Mais deux ans après le début de la guerre du Donbass, le patriarcat de Moscou est toujours aussi important en Ukraine? Bien sûr. Pour des raisons historiques et culturelles, il a toujours été important. Mais il doit faire face aujourd’hui à la concurrence d’autres églises plus ukraino-ukrainiennes, si l’on peut dire, et aussi au rejet d’une partie de la population à cause de la guerre.Ces processions trahissent d’ailleurs une querelle de clochers. La rumeur court que le gouvernement de Kiev pourrait transmettre l’autorité sur les trois lieux de pèlerinage dont je parlais du patriarcat de Moscou au patriarcat de Kiev, ce qui serait inacceptable pour la plupart des fidèles au patriarcat de Moscou. Pour l’instant, ce ne sont que des rumeurs, mais si cela se faisait, ce serait encore une rupture de plus entre les deux frères ennemis ukrainiens et russes. Les processions d’aujourd’hui font office de test crucial.Ecouter la séquence ici

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