RTBF: En Ukraine, pas de paix en vue

Intervention dans la séquence "Question du Monde", sur la RTBF, le 18/11/2016

Dans quelques jours, le 21 novembre, l’Ukraine commémorera le début des protestations du Maïdan. Protestations devenues révolution, qui a ensuite débouché sur l’annexion de la Crimée par la Russie, et une guerre hybride dans le Donbass, dans l’est du pays. Le conflit a fait plus de 10.000 morts, Là-bas, la situation reste tendue, c’est le moins que l’on puisse dire… 

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Sébastien Gobert, vous êtes à Kiev… Le conflit dans l’est de l’Ukraine s’est-il arrêté?Non, et il n’y a aucun signe que l’on en vienne à une paix durable dans un futur proche. La ligne de front s’est stabilisée depuis plus d’un an, il n’y a plus de mouvements de troupes, que ce soient les Ukrainiens ou les forces russes et pro-russes. Mais les duels d’artillerie sont quotidiens, et ils sont toujours meurtriers. J’ai rencontré il y a quelques jours Alexander Hug, le chef adjoint de la mission d’observation de l’OSCE. Elle a relevé, juste ces derniers jours, des milliers de violations du cessez-le-feu, dont beaucoup à l’artillerie lourde, provenant des deux côtés de la ligne de front. Et pourtant la zone le long de la ligne de front est censée être démilitarisée, en vertu des Accords de paix de Minsk.Vous vous rappelez, ces Accords avaient été signés en février 2015 par l’Ukraine, la Russie, la France et l’Allemagne. Ils avaient mis fin à la phase la plus terrible du conflit. Mais plus d’un an et demie après, la situation n’a pas évolué.Comment peut-on expliquer que le conflit ne soit toujours pas résolu? C’est ce qu’on appelle un conflit hybride, c’est-à-dire qui a des causes multiples, des manifestations multiples, et des acteurs extrêmement diverses. Côté ukrainien et séparatiste, on trouve les forces régulières et des bataillons de volontaires, plus ou moins encadrés. Il y a quelques volontaires étrangers, des Russes, mais aussi des Européens de l’ouest.  Côté séparatiste, il y a aussi des forces spéciales russes. Même si la Russie n’admet toujours pas son implication directe dans le conflit, les preuves se sont faites irréfutables depuis des mois. Avec une telle diversité d’acteurs, il est très difficile d’établir des chaînes de commandes qui soient respectées d’un bout à l’autre.Il y a des initiatives diplomatiques de temps à autre pour relancer le processus de paix. Mais les négociations sont très lentes, voire bloquées. On parle d’échanges de prisonniers, du contrôle de la frontière entre les territoires séparatistes et la Russie, d’organisations d’élections locales, d’adoption à Kiev d’un statut spécial pour la région… Chaque partie en présence a ses priorités, ses intérêts, et les obstacles sont considérables.Et pendant que les négociations stagnent, c’est la population civile qui en paie le prix…? Exactement. On parle d’un bassin de population d’au moins 5 millions de personnes, déchiré par la guerre. Vous mentionniez le chiffre de 10.000 morts. Mais la guerre a aussi fait plus de un million et demie de personnes déplacées et réfugiés. La situation économique de la région est désastreuse, ce qui a des impacts sur toute l’Ukraine d’ailleurs. Cela encourage les trafics en tout genre, les systèmes “débrouille”. Et cela rend évidemment l’aide humanitaire plus que vitale.Chaque jour, des milliers de personnes font la queue pendant des heures à des points de passage entre territoires ukrainiens et séparatistes, pour aller voir leurs familles, faire des courses ou autres. Cela synthétise en quelque sorte les difficultés sur le terrain. Mais cela montre aussi, en même temps, que les habitants vont d’un côté et de l’autre. il n’y a pas de persécution de masse ou de haine ethnique irréconciliable dans ce conflit. La paix est possible. Mais elle dépend de tellement de facteurs en particulier politiques, qu’elle sera très dure à trouver, et encore plus dure à faire appliquer.

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