Edito LLB: Une cruelle perte de temps
Edito publié dans La Libre Belgique, le 20 janvier 2023.
Donnera, donnera pas. Le sempiternel débat sur la livraison d’armes offensives à l’Ukraine, qui agite les classes politiques occidentales depuis le 24 février 2022, si ce n’est depuis 2014, s’est heurté à un nouvel écueil lors de la réunion de pays donateurs sur la base américaine de Ramstein, en Allemagne, la huitième du genre.
Volodymyr Zelensky n’est certes pas reparti bredouille de la réunion de Ramstein et la généreuse solidarité des 54 pays réunis n’est pas à remettre en cause. Il n’empêche qu’entre les annonces de Humvees, de Ceasar, d’Archer et autres équipements modernes; les chars de combat Abrams américains, les Leclercq français ou les Leopard allemands ne figurent pas sur la liste. Quelques pays envoient des engins de leur propre chef, comme le Royaume-Uni. Mais les chars lourds tant attendus ne viendront pas.
En tout cas, pas tout de suite. Car on le voit : de telles livraisons se produiront, un jour ou l’autre. Il n’y a qu’à constater le chemin parcouru entre février 2022 et aujourd’hui. Armés de lance-missiles antichar portables Javelin et Stinger, les Ukrainiens avaient fait reculer les Russes de la région de Kiev. Equipés de canons Caesar, ils avaient reconquis l’île des Serpents. Dotés de lance-missiles Himars, ils ont libéré Izioum, Kherson et des milliers de kilomètres carrés de leur territoire. Peu à peu, les verrous sautent, les armes arrivent et les Ukrainiens démontrent leur eabilité, leur jexibilité et leur elcacité.
En bloquant la livraison de chars lourds, les Occidentaux, Allemands en tête, manquent l’opportunité d’accompagner d’éventuelles offensives de printemps. Et pourquoi? Berlin jure ses grands dieux qu’il n’est pas opposé à cette initiative mais préfère procéder au préalable à "un inventaire" de ses Leopard. Après presque un an d'invasion, on lève les yeux au ciel.
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Est-ce par peur d’épuiser les stocks occidentaux ? On peut entendre cet argument. Mais on estime à plus de 2 000 le nombre de Leopard répartis dans 13 armées européennes. Kiev n’en demandait "que" 300...
Est-ce par peur d’une escalade dans l’affrontement avec la Russie ? Quelle escalade ? On a vu de quoi la Russie est capable, à reculer en désordre sur plusieurs fronts, à se contenter de prendre que la petite ville de Soledar au bout de six mois de pertes énormes. Alors l’imaginer s’attaquer à Helsinki, Varsovie ou Bruxelles...
En lieu et place d’escalade, ce que l’on a vu, c’est la cruauté des Russes dans leurs bombardements aériens, récemment sur un immeuble résidentiel de Dnipro. On a vu sa brutalité dans la conduite de la guerre et son recours à la torture et aux exécutions sommaires dans les territoires occupés. Que les Occidentaux franchissent, ou non, “une ligne rouge” qu’ils se sont eux-mêmes tracés, n’empêchera pas les escalades dans la violence pratiquée sur le terrain. Au contraire. Livrer des chars est l’un des moyens d’aider l’Ukraine à mettre un terme à cette barbarie. Ce blocage à Ramstein n’est qu’une énième perte de temps. Cruelle et de moins en moins justieée, elle ne fait que prolonger le jeu meurtrier de Vladimir Poutine.