Edito: Briser le cycle de la justice sélective

Edito publié dans la Libre Belgique, le 20/01/2022

Petro Porochenko a gagné un sursis. Ce mercredi, un tribunal de Kiev a décidé de son maintien en liberté, malgré les accusations de "haute trahison" qui pèsent sur l'ancien président ukrainien (2014-2019). Mais la saga judiciaire, et le cirque de manifestations qui l'accompagnent, sont loin d'être bnis.

Depuis que Porochenko a perdu sa réélection, pas moins d’une vingtaine d’enquêtes ont été ouvertes à son encontre. Il a donc beau jeu de dénoncer "un acharnement politique" qui serait orchestré par son successeur, Volodymyr Zelensky. Ce dernier, ancien comédien, lève les yeux au ciel. Après tout, il mène bel et bien ces derniers mois une campagne acharnée contre la corruption et les oligarques. Et il est assez probable que Porochenko, devenu milliardaire dans des circonstances opaques, ait des choses à se reprocher... Il n’empêche. Car dans le même temps, des enquêtes visant des proches de Zelensky pour corruption et abus de pouvoir sont, elles, abandonnées sans explication. Le spectre d’une pratique sélective de la justice ressurgit donc.

Ce même poison qui a infecté la vie publique ukrainienne depuis l’indépendance, en 1991. On se souvient de l’égérie de la révolution orange de 2004, Ioulia Timochenko, jetée derrière les barreaux de 2011 à 2014. On se souvient de l’ancien président géorgien, Mikheil Saakachvili, tentant d’échapper à la police en courant sur les toits de Kiev. Lui dénonçait à l’époque une persécution politique lancée par... Petro Porochenko. D’un président à l’autre, le pays ne s’extirpe pas de ce cercle vicieux qui alimente les tensions internes, alors que 100 000 soldats russes sont massés aux frontières. Est-ce vraiment le moment pour un président de persécuter son opposant politique ? D’ailleurs, est-ce jamais le moment ? En 2014, les Ukrainiens avaient prouvé dans le sang leur engagement pour un État moderne, respectueux de la dignité humaine et de la justice. Beaucoup a déjà été fait. Mais il est temps que l’élite ukrainienne se montre à la hauteur des attentes citoyennes, sous peine de briser ce rêve européen, de s’aliéner le soutien des Occidentaux et d’ouvrir la porte à Vladimir Poutine.

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