Edito LLB: Poutine, tsar des cendres kazakhes

Edito publié dans La Libre Belgique, le 08/01/2022

Des dizaines de morts et des milliers de blessés ; des villes assiégées, un gouvernement déchu et une population sous état d’urgence... Le chaos que traverse le Kazakhstan est né d’un problème très local, à savoir une hausse du prix des carburants. Il est donc tout à fait remarquable que le principal vainqueur de cette crise ne soit nul autre que... Vladimir Poutine.

On attribue facilement au maître du Kremlin l’origine de tous les maux. En l’occurrence, d’aucuns aWrment qu’il aurait orchestré la crise en dépêchant des professionnels des soulèvements populaires pour attiser les tensions. Aucun élément tangible ne permet de le prouver et il est important de ne pas céder aux sirènes complotistes.

Ce que l’on doit rendre à César, en revanche, c’est bien son talent inné à exploiter la circonstance. En montant en quelques heures une "force de maintien de la paix" au sein de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) - une alliance militaire régionale de facto dirigée par Moscou -, Vladimir Poutine s’est rendu maître des horloges kazakhes. Et pas seulement. Il évite ainsi la répétition d’un scénario biélorusse, c’est-à-dire une déstabilisation populaire qui s’étalerait sur de longues semaines.

Il déploie ses troupes dans une énième république post-soviétique, comme il l’avait fait en Azerbaïdjan à la suite de la guerre du Haut-Karabakh, en novembre 2020, et consolide encore un peu plus son emprise sur son "étranger proche". Il prouve, encore, sa capacité de projection militaire, longtemps minimisée suite aux diWcultés économiques et politiques des années 1990.

Enbn, alors que Moscou impose un dialogue stratégique sur la question ukrainienne avec Washington et, plus généralement, l’Otan, Vladimir Poutine démontre qu’il dispose, avec l’OTSC, de sa propre Otan. Et qu’en cas de crise, il ne se contente pas de déclarations inquiètes et de conférences interminables. Il agit. Aux Américains et Européens d’en tirer leurs conclusions. Et aux Kazakhs d’en souffrir les conséquences.

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