Edito LLB: Au Brésil, un soulagement qui ne règle rien

Edito publié dans la Libre Belgique, le 01/11/2022

"Ouf !" La majorité des électeurs brésiliens et une grande partie de la communauté internationale avaient, semble-t-il, retenu leur souHe jusqu’à l’annonce de la victoire de Lula da Silva, dimanche soir. Leurs cris de soulagement et leurs messages de satisfaction ont été prompts à inonder médias et réseaux sociaux, encouragés par de premières déclarations de proches du président sortant, Jair Bolsonaro, laissant espérer que les résultats ne seraient pas contestés. Lui, le perdant, s’est muré dans un mutisme de mauvais joueur.

Si ce silence suscite quelques inquiétudes quant à de potentiels troubles, il ne surprend guère. Il est largement interprété comme l’ultime bouderie d’un autocrate extrémiste, raciste, misogyne, négateur de l’évidence du Covid-19, responsable de la déforestation d’un territoire équivalent à près de deux fois la Belgique. D’où le soulagement. Mais pour quel résultat ?

Le Brésil semble plus polarisé que jamais, avec ses différentes composantes radicalisées à l’extrême. Lula n’arrive pas comme un sauveur, mais comme un politicien de carrière qui entame son troisième mandat à la présidence, malgré un bilan socio-économique, de 2003 à 2010, plus que mitigé. Il n’échappe pas lui-même aux sirènes du populisme. Et son Parti des travailleurs n’a pas, loin s’en faut, œuvré comme un champion de la lutte contre la corruption systémique qui pèse sur ce géant du Sud. Dans un pays jeune, où l’âge médian atteignait à peine 34 ans en 2020, c’est un homme né en 1945 qui assume, de nouveau, l’épuisante charge du pouvoir. L’impossibilité pour le Brésil de se sortir d’un affrontement entre deux radicalismes ou de faire émerger une nouvelle _gure rassembleuse doit interpeller les Brésiliens, mais plus globalement tous ceux qui croient aux vertus de dialogue, de recherche de consensus et d’a`rmation d’un vivre-ensemble inclusif censées être générées par nos systèmes démocratiques. L’élection brésilienne est bien évidemment un cas en soi. Mais ses symptômes de radicalisation, de communautarisation et de délitement du lien social nous concernent tous.

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