Edito LLB: Le langage du rapport de force

Edito publié dans La Libre Belgique, le 03/11/2022

On se plaît à répéter que Vladimir Poutine a grandi dans les rues de Leningrad, livré à lui-même. Cette enfance, probablement mythiLée en partie, suivie d’une fructueuse carrière au sein des services de sécurité soviétiques puis russes, est censée avoir façonné son logiciel de pensée, si déroutant pour les Occidentaux.

Recep Tayyip Erdogan semble parfaitement le comprendre, lui dont il répète aussi qu’il a grandi dans les rues d’Istanbul. M. Erdogan est bien l’un des rares à obtenir des résultats dans sa relation avec M. Poutine, récemment en le faisant revenir au sein de l’accord d’exportation de céréales ukrainiennes. Impossible de savoir la nature réelle des échanges entre les deux hommes. Ce que l’on sait, c’est que la Turquie a poliment minimisé le retrait de la Russie de l’accord, le 29 octobre, en continuant à garantir la sécurité de navires quittant les ports d’Odessa. La Wotte russe, attaquée par des drones-suicides navals dans son port sanctuarisé de Sébastopol, n’a vraisemblablement pas les moyens de contrer la puissance turque.

On sait aussi qu’entre la Syrie, le Haut-Karabakh ou encore son jeu subtil autour des sanctions internationales, M. Erdogan ne manque pas de moyens de pression pour contrarier son homologue russe. Et qu’il les emploie à loisir. Qu’en déduire ? Les Occidentaux, encore moins les Ukrainiens, ne peuvent donner un blanc-seing au “Reis” pour mettre Ln, seul, à cette guerre. Les Européens ne doivent pas non plus s’inspirer de M. Erdogan, autocrate au jeu trouble, comme modèle politique. Mais ce dernier nous a prouvé, encore une fois, que M. Poutine ne répond qu’au rapport de forces. Avec Moscou, Ankara ne s’obstine pas dans la recherche épuisante d’un consensus. Il ne s’abrite derrière aucune ligne rouge, du moins o`ciellement. Il y va quelquefois au bluff. Et il obtient des résultats. De concert avec les Américains, les Européens doivent explorer ce logiciel de pensée avec audace, sans évidemment le copier, pour mettre Ln le plus vite possible à ces atrocités sur leur continent. Ou encore pour contrer le chantage nucléaire russe. La porte ouverte à l’escalade, dira-t-on avec crainte ? Et pourtant, aucun coup de feu n’a été tiré pour ramener les Russes au sein de l’accord céréalier.

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