Edito LLB: "Criminel de guerre" au regard de l’Histoire

Edito publié dans la Libre Belgique, le 18/03/2022

La plupart des personnes qui s’abritaient dans les sous-sols du théâtre du centre-ville de Marioupol ont survécu au bombardement russe de mercredi. C’est un soulagement. Qui n’enlève pourtant rien à l’atrocité de l’attaque.

En Ukraine, des civils meurent chaque jour. Des hôpitaux sont visés. Des quartiers résidentiels sont rasés de la carte. À chaque fois, le Kremlin nie sa responsabilité ou se dédouane en prétextant la présence de "nationalistes ukrainiens". Mais le fait est : la liste s’allonge de ce qui pourrait constituer une série de graves crimes de guerre. Il faudra attendre que les canons se taisent et que les émotions soulevées par ce con]it retombent pour que des enquêtes indépendantes établissent la vérité et identi_ent les responsables. Ne nous leurrons pas : certains sont probablement ukrainiens. L’affreuse nature de ce con]it, qui se traduit par des sièges sans pitié de grandes villes, implique malheureusement des bavures et des souffrances innommables de non-combattants. Un bombardement meurtrier dans le centre de Donetsk, le 14 mars, semble ainsi être le fait des forces bleu et jaune. Reste que l’Ukraine est un État de droit, certes brouillon, dans lequel les crimes de guerre peuvent être documentés et traduits en justice. Kiev l’a prouvé à plusieurs reprises depuis le début de l’agression russe en Crimée et dans le Donbass, en 2014.

La Russie, en revanche, n’a jamais participé à l’enquête internationale sur l’attaque contre le MH17, malgré un faisceau de preuves tangibles incriminant directement son armée. Elle n’a même pas daigné se pencher sur les innombrables accusations de torture, d’exécutions sommaires ou de viols qui ont entaché ses opérations, en Tchétchénie, en Géorgie, en Syrie, en Ukraine et ailleurs. Sans frémir, les apparatchiks moscovites nient en bloc. Ils ne se soumettront jamais à l’autorité d’instances supranationales telles que la Cour pénale internationale. Or, c’est bien le verdict d’un juge qui permettrait de donner une valeur juridique à l’insulte de Joe Biden, lancée à la volée dans une salle bruyante. Désormais estampillé comme un "criminel de guerre" par le chef du monde libre, Vladimir Poutine va-t-il subir le sort de Slobodan Milosevic ? Ici aussi, ne nous leurrons pas : si rien ne change dans l’équilibre du pouvoir à Moscou, et si les Russes ne sont pas capables de demander eux-mêmes justice pour les crimes de leur maître, personne n’ira chercher Vladimir Poutine pour le forcer à comparaître à La Haye. Mais il n’échappera pas au jugement de la postérité. Quand bien même il s’avérerait impossible de faire la lumière sur les crimes commis pendant cette guerre, l’Histoire ne pardonnera pas à Poutine son crime originel : avoir ordonné une invasion brutale et une lutte existentielle contre un pays souverain, sans aucune justi_cation valable.

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