Edito LLB: Les vacances ou la guerre

Edito publié dans la Libre Belgique, le 22/08/2022

On peut s’étonner que le débat sur l’interdiction de l’octroi de visas Schengen aux citoyens russes ne prenne de l’ampleur qu’à la Ln de la saison estivale. Les questions sous-tendues n’en restent pas moins légitimes. Les touristes russes peuvent-ils se prélasser sur nos plages et Nâner dans nos villes tandis que leurs dirigeants nient l’existence d’un État européen souverain et que leurs soldats - leurs pères, frères, Lls, maris - tuent, violent et pillent sans retenue en Ukraine, cette même Ukraine que nous avons juré d’aider et de défendre ?

Le malaise est évident. Interdire la délivrance de visas nuirait aux opposants à Poutine en fuite, dit-on. Mais ceux-ci ont de longue date la possibilité de demander assistance auprès de consulats étrangers. On lit aussi que, privés d’accès à l’Union européenne, les Russes seraient moins confrontés à des informations contradictoires remettant en cause la propagande du Kremlin. Là encore, l’argument se heurte aux faits : entre 60 % et 70 % des Russes ne se sont jamais rendus à l’étranger et ne seront pas touchés par l’interdiction. Ceux qui voyagent sont issus d’une classe moyenne relativement aisée et urbaine. Soit les catégories de population qui sont par essence les plus critiques envers le régime.

Le risque existe, certes, qu’empêcher les Russes de se rendre en Union européenne ne renforce la thèse du Kremlin de la "forteresse assiégée". Mais Moscou instrumentalise depuis des années les "agressions" et la "russophobie" supposées de l’Occident. L’interdiction de la délivrance de visas n’y changera rien. De même, elle ne mettra pas un terme au conNit en Ukraine. En tout cas, pas dans l’immédiat.

Ce qui se joue dans le débat actuel, c’est la question de reconnaître la responsabilité collective du peuple russe, complice passif depuis 22 ans d’un régime qui a accumulé les horreurs, à commencer par la dévastatrice guerre de Tchétchénie. Un second enjeu, non moins important, est celui de la capacité des Européens à réagir aux bouleversements géopolitiques. Une décision sur les visas ne sera que l’un des outils à notre disposition pour traiter la Russie comme l’adversaire qu’elle a choisi de devenir.

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