La Géorgie à la dérive
La Géorgie s’achemine vers des élections législatives dans un mois, le 26 octobre.
Des élections qui sont présentées comme cruciales pour l’avenir du pays.
Certains parlent même des élections les plus importantes de l’histoire de l’indépendance.
La Présidente Salomé Zourabichvili parle d’un choix existentiel.
Alors pourquoi une telle tension, et quels sont les enjeux de cette élection?
Bonjour à tous c’est Sébastien, bienvenue dans cette vidéo où l’on parle des récents choix du gouvernement géorgien, de sa position vis-à-vis de la Russie et des perspectives pour le pays après les élections.
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Dans la perspective des élections, le camp gouvernemental est incarné par le parti du Rêve géorgien, une formation qui est au pouvoir depuis 2012 déjà.
C’est un parti qui a été fondé par et est totalement inféodé à un oligarque, Bidzina Ivanishvili.
Lui est une personnalité incontournable en Géorgie, c’est le principal oligarque, il a été Premier ministre entre 2012 et 2013
Depuis il tire les ficelles depuis les coulisses.
Bidzina Ivanishvili a constitué la majorité de sa fortune en Russie ou en lien avec la Russie.
Et donc il garde des liens intimes avec ce pays qui ont influencé sa politique depuis 2012.
SUPER INTEGRÉ AU SYSTÈME
Le rêve géorgien a longtemps préservé les apparences d’un rapprochement avec l’Union européenne
dans le cadre d’un accord d’association avec Bruxelles mais aussi d’une libéralisation du régime de visas Schengen pour les citoyens géorgiens.
Tout en renouant certains liens commerciaux, énergétiques et politiques avec la Russie, qui avaient été rompus par la guerre de 2008.
Bidzina Ivanishvili a donc ménagé la chèvre et le chou
Mais depuis l’invasion généralisée de l’Ukraine par la Russie, qui affecte toute la géopolitique de la mer Noire, les masques sont tombés.
La Géorgie contribue à contourner les sanctions occidentales imposées à l’encontre de la Russie.
Elle permet l’implantation de réseaux d’influence
Et le Rêve géorgien a accéléré un rapprochement avec la politique russe TOURNANT GÉOPOLITIQUE A 180
que beaucoup dénoncent comme une dérive autoritaire.
Ca a commencé par une loi sur les agents de l’étranger, comme on la présente.
Qui force les ONG à se déclarer dans un registre spécial dans le cas où elles bénéficient de PLUS DE 20% financements étrangers.
STIGMATISE COMME AGENT DE L’ETRANGEER
Ce qui est une loi calquée sur le modèle russe
qui avait permis au Kremlin DE MUSELER sur la société civile et de consolider sa verticale du pouvoir.
Le passage de cette loi a provoqué des manifestations impressionnantes à Tbilissi et à travers le pays PENDANT DEUX MOIS
que le pouvoir a soit ignoré, soit réprimé brutalement.
Elle est appliquée depuis le 1er septembre, même si l’immense majorité des quelque 25000 ONG du pays ne s’est pas pliée à l’obligation de s’enregistrer…
Sans attendre ou presque, cette décision a été suivie d’une loi sur “la protection des valeurs familiales et des mineurs”
Une loi décriée plus simplement comme anti-LGBT+
SE RENDRE INDÉSIRABLE AUPRÈS DE L’UE, ÊTRE AUX ANTIPODES DES VALEURS EUROPÉENES
AUTRE LOI RUSSE
Le poids de l’Eglise orthodoxe est très important en Géorgie, cette loi est vue comme une mesure électoraliste, afin de consolider les soutiens du rêve géorgien
Mais l’Eglise reste malgré tout prudente et cherche à ne pas être associée de trop près à un des camps politiques.
Le clergé aurait par exemple refusé que la religion orthodoxe soit inscrite dans la Constitution comme religion d’Etat.
Ce que le Rêve Géorgien voulait apparemment faire.
Dans le cadre de la campagne électorale, on a aussi le Premier ministre, Irakli Kobakhidze qui a promis d’interdire l’essentiel des partis d’opposition
Donc l’opposition j’y viens.
Le principal parti c’est celui du mouvement national uni, fondé par l’ancien président Mikheil Saakachvili
Mikheil Saakachvili qui est en prison depuis 2021
L’UNM, comme les autres partis d’opposition, sont dans une démarche de défiance vis-à-vis d’un système politique qu’ils considèrent de plus en plus capturé par Bidzina Ivanishvili.
POST COLONIAL
Ils multiplient les actes de boycott et cherchent à s’en référer aux partenaires occidentaux de la Géorgie.
Mais ceux-ci semblent impuissants.
La Commission européenne émet des avis défavorables l’un après l’autre
Le processus d’ouverture des négociations d’adhésion à l’UE a été GELÉ.
Et la libéralisation du régime de visas Schengen pourrait être remise en question.
Ce qui est assez impressionnant quand on pense que la Géorgie était le bon élève, le favori de l’intégration européenne dans le cadre du partenariat oriental lancé en 2009.
De leur côté, les Etats-Unis sont en passe d’appliquer des sanctions à l’encontre de Bidzina Ivanishvili.
Mais cela ne va apparemment pas plus loin, les Occidentaux manquent de capacité de projection dans la région.
Et l’inclinaison pro-occidentale de l’Arménie est encore trop fragile pour donner un appui vraiment solide aux Occidentaux dans le Caucase du sud.
MÊME SI ÇA MONTRE QUE LES POPULATIONS SONT ATTIRÉES PAR L’OCCIDENT
En tout cas, ni les manifestations de l’opposition ni les réprobations des Occidentaux ne sont suffisantes pour stopper ce que beaucoup dénoncent comme une dérive autoritaire.
Pour beaucoup, c’était le projet de Bidzina Ivanishvili depuis son entrée en politique, il ne fait que tomber le masque.
Et il n’y aurait rien de surprenant à cela: Le fondement de l’action politique d’Ivanichvili est la préservation de sa fortune personnelle.
IL DOIT QUI IL EST À LA RUSSIE ET IL EST NÉ DANS LE SYSTÈME RUSSE.
IL NE PEUT PAS ÊTRE INDÉPENDANT DU KREMLIN
Ce qui fait que les élections qui approchent sont cruciales pour l’avenir du pays
la Présidente Salomé Zurabichvili, une ancienne diplomate française par ailleurs, parle même de choix existentiel.
Qui aura des conséquences politiques, sociétales et économiques évidentes
Mais aussi géopolitiques
Bidzina Ivanishvili a ainsi défrayé la chronique en appelant à ce que la Géorgie présente des excuses pour la guerre de 2008
Ce que Tbilissi a toujours dénoncé comme une invasion injustifiée de la part de la Russie.
Si Tbilissi émet des excuses officielles, cela sera un virage à 180 degrés qui légitimera l’agression russe
et changera du tout au tout les ambitions de réintégration des régions d’Abkhazie et d’Ossétie du sud,
des régions soi-disant sécessionnistes qui sont occupées et contrôlées par la Russie.
Peut-être que leur réintégration sera définitivement gelée, ou qu’elle se fera selon une formule à la russe, dans le cadre d’une fédéralisation de la Géorgie qui empêchera son rapprochement avec l’Union européenne.
D’ailleurs sur cet aspect il y a aussi un autre point à regarder: les Russes sont en train de construire une base navale en Abkhazie pour compenser celles qu’ils ne peuvent plus utiliser en Crimée
Les Ukrainiens ont répété qu’elle représente une cible légitime, donc une région considérée par le droit international comme géorgienne peut être elle aussi entraînée dans la guerre.
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Comme je l’ai déjà évoqué au début de la vidéo, la question de la guerre en Ukraine est fondamentale,
dans la logique de rapprochement de Tbilissi avec Moscou
ON PEUT MÊME DIRE QUE CE QUI SE PASSE EN GÉORGIE EST UN ÉPISODE DE LA GUERRE EN UKRAINE
Et elle joue aussi un rôle dans la campagne électorale. Le gouvernement dénonce l’opposition comme “le parti global de la guerre”
JUSTIFIER LES RÉPRESSIONS À VENIR
POTENTIELLEMENT HYPER VIOLENT
Il a même diffusé un clip de campagne comparant les villes géorgiennes, en paix, aux villes ukrainiennes en ruines.
L’idée étant que voter pour l’opposition amènera la guerre en Géorgie.
Et apparemment ça marche: le Rêve géorgien est en tête des intentions de vote avec environ 30% selon de récents sondages.
Tout dépendra de la mobilisation des électeurs, de la transparence du scrutin, des alliances qui se noueront au sein du Parlement…
En tous les cas, cette élection est bel et bien cruciale pour l’avenir de la Géorgie.
On aura l’occasion d’en reparler sur cette chaîne, avant et après le 26 octobre
Merci d’avoir regardé!