RFI: New York–en–Donbass

Reportage diffusé dans l’émission “Accents d’Europe”, sur RFI, le 20/12/2017

Le Donbass, l’est de l’Ukraine, est encore et toujours déchiré par une guerre hybride, qui a déjà fait plus 10100 morts, plus de 30000 blessés, et détruit l’économie de la région. Les localités le long de la ligne de front vivent dans des situations précaires. Les infrastructures sont régulièrement endommagées par des bombardements. Cela n’empêche pas les habitants de s’être habitués à vivre avec la guerre, et même de réfléchir à l’avenir. La petite ville de Novhorodske pense par exemple à changer son nom – et s’appeler New York. Sébastien Gobert s’est rendu sur place. 

A l’entrée de Novhorodske, rien de spécial. C’est une commune d’environ 10.000 habitants, comme on en traverse des dizaines dans la région. Des rues vides, une chaussée percée de nids de poule, des usines d’un autre temps. Mais pourtant, un vent de changement souffle sur la ville. Tetiana Krasko est la secrétaire du conseil municipal

Tetiana Krasko: Nous avons ce projet, cette ambition, de rendre à notre petite ville son nom historique: New York.

La ville a été fondée dans la seconde moitié du 18ème siècle par des colons allemands, invités par les tsars de Russie pour développer des régions nouvellement conquises. Pourquoi le nom de New York ? Les légendes sont nombreuses, allant de traditions allemandes à des histoires d’amour transatlantiques. Il n’y a pas une version officielle. Ce qui est sûr, c’est que le pouvoir soviétique a préféré changer le nom en 1951, après la seconde guerre mondiale, et l’évacuation des habitants allemands.

Aujourd’hui, la ville est à 7 kilomètres de la ligne de front. Elle a beaucoup souffert de la guerre, et continue à subir des bombardements occasionnels. Le conseil municipal tente d’encourager la communauté à vivre, bon an, mal an. Et Tetiana Krasko ne manque pas d’humour.

Tetiana Krasko: On en plaisante. Nous sommes tout proches de la ligne de front. Si on change le nom du village, alors ils devront réfléchir à deux fois avant de nous bombarder! Vous vous imaginez l’effet que cela aurait dans les médias? On a bombardé New York! Avant de savoir si on parle de la ville ou du village, ce serait un scandale! (rires)

De fait, le conseil municipal a déjà décidé du changement de nom, et du retour à l’appellation historique de New York. Mais la décision est bloquée par les autorités régionales et nationales, à cause du statut spécial qui échoie aux villes situées dans la zone de guerre.

Novhorodske est une petite localité. Les usines, par exemple de production de tuiles, étaient autrefois de très bonne qualité. Elles sont aujourd’hui soit fermées, soit en décrépitude. Les investisseurs ne se précipitent pas pour développer des activités à 7 kilomètres de la ligne de front. Tetiana Krasko ne se fait pas d’illusions. Mais elle compte quand même sur l’effet psychologique d’un New York dans le Donbass.

Tetiana Krasko: Nous voulons vraiment que la vie se poursuive ici, que les habitants s’épanouissent. Peut-être que changer le nom, cela donnera un nouveau souffle, un nouvel élan.

Sur le long-terme, cela voudrait dire développer une nouvelle image de la ville, miser sur le tourisme, et faire de New York une véritable curiosité dans la région. L’ambition est là. L’enthousiasme est appréciable. Dans le Donbass, New York est une ville où les idées ne dorment jamais.

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