RFI: Musée des missiles nucléaires soviétiques en Ukraine

Reportage diffusé dans l’émission Accents d’Europe, sur RFI, le 09/10/2017

Depuis des semaines, le monde tremble face à la crainte d’une guerre atomique entre les Etats-Unis et la Corée du Nord. La menace d’une annihilation totale de pays entiers par des frappes nucléaires rappelle les pires heures de la guerre froide. Suivant la chute de l’URSS, l’Ukraine avait hérité du troisième arsenal nucléaire au monde. Elle s’est défaite de ses têtes en 1994. Dans le centre du pays, un musée offre un témoignage unique de l’époque atomique, et des dangers qu’elle posait. A Pervomaisk, Sébastien Gobert a visité le musée

Un, deux, trois. On presse deux boutons en même temps, et la petite cellule prend vie. Les panneaux de commande clignotent de couleurs vives, les sonneries sont assourdissantes. Cela ne dure que trente secondes, et tout s’arrête: le missile est lancé. Si quelqu’un avait effectué la même manoeuvre il y a trente ans, il aurait pu rayer de la carte un territoire grand comme la moitié de la France. Aujourd’hui, c’est un enfant de 5 ans et son père qui s’amusent dans ce qui pourrait être un décor de vieux film de science-fiction, à 45 mètres sous terre. A Pervomaisk, au milieu des champs, la 46ème division des forces de missiles stratégiques avait construit un vaste complexe de lancement de missiles, notamment nucléaires. Ils ont été évacués au début des années 90, et le musée a ouvert en 2001. C’est un endroit unique, qui mêle pédagogie et authenticité. Tout a été préservé, les longs tunnels, les ascenseurs étroits et les lourdes portes blindées. Tout reste en état de fonctionnement, mais sans missile. Les guides expliquent avec détachement la vie sur la base, et les procédures compliquées qui pouvaient déboucher sur un conflit nucléaire. Les silos souterrains pouvaient ainsi abriter des équipes complètes pendant 45 jours. Dans les récits des guides, une certaine fierté pour la technologie remarquable utilisée dans la construction de la base, et une petite pointe amertume. En 1994, l’Ukraine avait renoncé à son arsenal nucléaire en échange du mémorandum de Budapest. Signé par les grandes puissances de l’époque, il garantissait l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Vingt ans plus tard, il n’avait pas permis de stopper l’annexion russe de la Crimée. Ici, à Pervomaisk, on se plaît à croire qu’on aurait pu empêcher la guerre avec la Russie grâce à la dissuasion nucléaire. Mais on n’aime pas parler de la politique d’aujourd’hui. Pervomaisk s’est figé dans le temps. Et ce qu’on ressent toujours ici, c’est le souvenir d’une époque où cette base reculée a fait trembler le monde.

Previous
Previous

Analyse: Réintégration du Donbass: Au-delà du pugilat parlementaire

Next
Next

France Culture: Réintégration du Donbass à Kiev, missiles Grad sur le terrain